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RENE BOYLESVE ou PAGE D'ACCUEIL

 

"Le vice du Français : c'est le snobisme de l'opinion violente, exagérée, et même absurde, c'est la crainte du juste milieu auquel ils ont conféré la qualification infamante de "ridicule".

Ils ne redoutent que le ridicule; et, par suite d'une erreur singulière, le ridicule, en France, c'est souvent la Sagesse." Feuilles Tombées (Journal), p317

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"Un homme ou quelques hommes mènent le monde, et puis, bientôt ils sont menés par lui." Feuilles Tombées (Journal), p328.

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"Presque tous les hommes les plus originaux, à un certain moment sont prisonniers.

Et l'on retrouve alors en eux, non plus leurs propres idées, mais celles du groupe qui les avait adoptés pour Maître." Feuilles Tombées (Journal), p328.

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"La base de la philosophie nouvelle - et c'est pour cela que cette philosophie me séduit tant, l'autre m'ayant toujours découragé, - c'est le réalisme." Feuilles, p 334.

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"L'intelligence ne vaut qu'autant qu'elle illumine le phénomène de la vie, seul point d'appui." Feuilles p335

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La parole de monsieur Juillet que se répète Madeleine : "Notre temps a découvert une mine bien facile à exploiter; il va prendre, un à un, tous les actes réprouvés par la morale évangélique, et s'employer à les réhabiliter, systématiquement. C'est un procédé puéril qui fera passer des esprits médiocres pour d'audacieux génies. Il y en a pour vingt-cinq ans à s'amuser à ce petit jeu. Après quoi, il y a des chances pour que la société soit transformée en une étable à porcs." "... En quelque chose de pire que cela! dit-il, car le pourceau ignore qu'il est un animal et qu'il est vil, tandis que nous serons immondes et que nous en tirerons vanité !" p236/7 (Madeleine jeune femme).

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"Il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais qu'une sorte de littérature, c'est celle qui nous entretient de l'esprit et du cœur humains. Les accidents de l'état social ou des mœurs, comme l'esclavage antique, la féodalité au moyen âge, ou le merveilleux scientifique de nos jours, n'ont vraiment d'intérêt que dans la mesure où ils influencent notre manière de penser ou de sentir; ... Je crois bien, moi qui vous parle et qui ai connu les diligences, avoir été un des premiers à narrer un voyage en automobile ; je ne voudrais pas le relire à présent, tandis que l'émoi d'une jeune fille à l'éveil de la première tendresse, qui fut sincèrement écrit il a soixante ou cent ans, il me semble qu'il a conservé sa fraîcheur malgré tout ce que l'ingéniosité des hommes, à leurs moments perdus, a ajouté depuis lors aux arts chimiques et mécaniques." Le carrosse aux lézards verts p5/6.

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"Je vous en prie, croyez-moi : ce ne sont pas les faits qui doivent être vraisemblables, c'est le sens qui se dégage des images présentées à vos yeux." Le carrosse, p 8.

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"Il faut accorder une grande attention à ce qui "est dans l'air", non pour le happer et s'en nourrir stupidement, bien entendu, mais parce que, quoi que l'on fasse ou que l'on veuille, ce "qui est dans l'air" tend à nous pénétrer." p 356 Madeleine, Jeune femme.

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"J'avais absorbé, c'est certain, moi, le mépris de l'opinion, qui peut mener à ce qu'il y a de plus beau, mais qui laisse le champ libre aux plus néfastes extravagances, qui fait les saints, mais qui fait le premier excentrique venu, car le mépris de l'opinion ne vaut que ce que vaut celui qui le professe." p361/2 Madeleine.

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"Je ne luttais pas; je suivais ma pente; j'entrais dans ma vie qui consiste à être d'accord, complètement d'accord avec moi-même ... Madeleine p398.

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"Je voyais en moi, la génération arrachée à ce vieux sol, inacclimatée au nouveau, cherchant entre les deux un introuvable compromis." Madeleine p437.

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"Quelque chose en moi pleurait la douce vie non savourée et trop éphémère; mais quelque chose en moi se riait des bonheurs communs et des choses éphémères ..." Madeleine, p442.

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"Il y a, dans l'œuvre d'art, quelque chose que tout être bien doué est capable de comprendre d'emblée. Il y a quelque chose que quelques-uns seulement sont aptes à saisir : c'est le métier, le procédé, la technique. A cause de ce petit nombre d'habiles, que l'on confond avec une sélection et en prêtant au mot une vertu qu'il n'a pas, on ne retient plus que le jugement de ces quelques connaisseurs professionnels. Et personne ne remarque que c'est la gent aveugle des érudits, - celle qui jamais ne se baigne dans les eaux vives -, qui peu à peu gouverne les arts. Le catalogue se fait indispensable à l'admiration et l'herbier remplace la nature." Feuilles tombées p53.

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"En art , cette barrière, entre ce qu'il est légitime de penser et ce qu'il est nuisible de répandre, se présente comme un obstacle au développement intellectuel et comme un malentendu perpétuel entre auteur et public." Feuilles, p62-3

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"Ce qu'il y a de plus beau en nous, ce n'est pas l'épanchement, c'est la possession de soi. L'un est signe de l'abondance, de la richesse, c'est possible, mais l'autre est la preuve de la force." Feuilles p60.

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"Oui! Oui! s'affirma le docteur en frappant du poing sur la table; ils sont tous des criminels avec leurs façons de s'arroger la propriété d'une femme et de ne pas lui donner l'amour; elle y a droit comme à l'air respirable, comme à la lumière, comme au soutien de la force mâle!" Le médecin des dames de Néans, p50.

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"Et puis, ne pas parler, grand Dieu ! avoir le droit de ne pas parler, un de ces droits de l'homme auxquels la société n'a pas songé !" Médecin p65.

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"Il admirait, au contraire, qu'une femme se cramponna à l'adoration de sa beauté. Sa beauté ne lui appartient pas; toute beauté est la beauté, c'est-à-dire la chose vénérable entre toutes, bienfaisante aux regards de tous et pour qui nul soin n'est excessif, nul mensonge inexcusable, qui la peut prolonger aux yeux." Le médecin, p102.

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"Personnellement, rien ne m'est plus odieux qu'un mot plus grand que ce qu'il signifie. Je le préfère pauvre, insuffisant, et que l'idée qu'il contient le fasse éclater." Profils littéraires, notes sur Stendhal, p280.

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"De sorte que je vous hais tous, oui, excusez-moi, mais je vous hais tous tant que vous êtes : et ceux qui vous façonnent un cœur et une âme pour un appasionnement au-dessus de la vie; et ceux de la vie qui ne la veulent pas passionnée ..." Médecin (p197)

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 "Elle eut encore une de ces jolies mignardises et voulut voir, voir son cœur battre; elle souleva d'un doigt la chemise sur sa gorge et regarda longuement l'agitation de son sein. Elle remarqua qu'elle était attentive à l'agitation plutôt qu'à son sein pour quoi elle avait eu auparavant une infinie complaisance. En vérité, elle n'avait jusqu'à présent aimé qu'elle." Médecin p 256

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"L'histoire est la façon d'habiller diversement le même homme" Médecin, p269.

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"Monsieur, chaque cerveau humain est un petit monde enveloppé pour ainsi dire d'une atmosphère à soi. La balance où nous pesons nos gestes et nos paroles n'a guère de justesse hors de nous. Ce qui laisse indifférent notre plateau fait pencher celui du voisin et défonce celui du voisin de notre voisin. Il y a ainsi des séries de petits mondes qui ne se touchent point sans se molester et quelques fois grièvement. L'art serait de les discerner et d'éviter de les mettre en commun ..." Le médecin, p265.

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 "Les romanciers s'imaginent volontiers qu'ils n'obéissent qu'à des sentiments purs et élevés. Mais, en fait, c'est chez eux comme partout : une allumette de bois, une pauvre mèche met le feu. Quand l'incendie éclate, on lui trouve des causes nobles ... " Je vous ai désirée, un soir ... p13.

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"Alors dit le conseiller, en somme, ce grand effort et ce perfectionnement admirables qui aboutissent, je le vois, à s'enrichir, et à s'enrichir pour se pouvoir transporter, a pour dernière fin de se transporter dans des lieux qui sont les mêmes que ceux que vous venez de quitter ?" p185

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"Pour qu'une ville soit bien chantée par un poète, il faut que celui-ci y loge son amie." p201 Elise.

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"... Jean-Marie ... dans la famille des égoïstes, figurait l'égoïste inachevé, le pire : celui qui ne saurait se satisfaire s'il s'apparaît à lui-même peu généreux." Elise p286

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"Ce que nous ressentons en nous et que nous appelons amour, ce n'est même pas un sentiment. Ce n'est, je crois, qu'un désir, un soupir douloureux vers une idée qui n'est pas de notre monde. Je compare volontiers l'idée de l'amour à l'idée de Dieu, à l'idée du vrai, du beau, du bien, dont nous n'avons jamais vu ici bas la réalisation parfaite, et qui, néanmoins, existent en nous, cela est incontestable." - Je sépare en une autre citation ce qui suit immédiatement : "Nous n'aimons pas; nous avons le besoin d'aimer, un immense désir de nous donner à un être qui se donnerait tout entier à nous." et encore de la même façon : "Nous croyons que la femme peut nous procurer cet état incomparablement délicieux. Erreur. L'attraction physique qui nous attire vers la femme nous aveugle. L'amour dans toute sa plénitude n'est pas possible entre deux êtres matériels et imparfaits. La réalité de la vie, ce qu'on est convenu d'appeler la prose de la vie, s'oppose à l'éclosion complète de ce sentiment, qui ne vit et n'est fait que de pensées ou d'illusions. L'illusion, l'oubli momentané de la vie, de ses besoins, de ses exigences, nous abuse un moment, semble nous disposer à l'amour, nous persuade que nous aimons. Le retour à la raison détruit le commencement de cet édifice, dont le fait est trop haut pour notre faiblesse." Ecrits intimes (Feuilles tombées édition de 1947) 24 mars 1887, p23.

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"C'est une supériorité peut-être de la sensibilité sur l'intelligence, que la sensation se réjouisse des sensations différentes éprouvées, tandis que l'idée nouvelle anéantit et méprise toute idée antérieure opposée." 25 août 1889, p25

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"J'aime à penser à la belle désinvolture de nos pères vis-à-vis des choses de l'amour. L'amour, en somme n'est-il pas plutôt un bien? Et le fait de donner un enfant à une fille, malgré toute la misère qui peut en résulter, n'est-il pas encore un acte louable? C'est à considérer. Mais je suis frappé de ce que le dernier des misérables est encore attaché à la vie et la préfère au néant. Créer un être vivant, n'importe où, n'importe comment, n'est-ce pas bien agir? Et puis, l'amour est une puissance incontenable. Il doit être ainsi. L'endiguer c'est lutter contre le soleil. Comme le soleil, il fait vivre." pp100/101 Feuilles tombées.

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"Je n'ai jamais écrit d'après des principes; je me suis peu à peu formulé des principes en écrivant, et qui résultaient de mon expérience acquise; et ces principes se trouvent pour la plupart conformes à ceux qu'enseignèrent et observèrent les écrivains classiques." pp112 (Feuilles)

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"La véritable indépendance de l'esprit n'est pas ce qu'on la croit. On la croit violente et disposée à tout briser. Elle est bien plutôt patiente et elle produit peu d'éclat.

L'indépendant de nos jours se croit tenu à s'isoler dans son opinion. Pour cela, il se crée une opinion originale qui tranche sur toutes les autres, et aussitôt il en devient l'esclave." Feuilles, p113.

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"Ma vie tout entière me fait l'effet d'une course haletante dans un pays étranger dont la langue m'est presque inconnue, où les regards semblent me dire : "Que vous êtes singulier!", mais où je sais qu'il y a un jardin ouvert à tous et peu fréquenté à l'heure qui est la meilleure; et j'ai pensé tout au long de chacun de mes jours : "Ce soir, j'irai me réfugier là-bas." Feuilles p144 Mai 1905.

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"Voir un très bel article de Brunetière dans la Revue des Deux Mondes, du 15 mars 1906. Il discute très justement les deux buts très différents de Balzac et de Flaubert, l'un se proposant de dépeindre la société, l'autre de faire une œuvre de beauté. Flaubert ne tient pas à être un historien ni un réaliste : il applique les mêmes procédés de style, procédés esthétiques, à peindre Carthage et à peindre des petits bourgeois provinciaux. C'est par hasard que Flaubert est réaliste.

Cette distinction entre les deux grandes têtes du roman français est fondamentale. Je ne dois pas la perdre de vue.

Je remarque, en ce qui me concerne, et selon ma méthode inconsciente de penser - c'est-à-dire qui ne procède absolument d'aucune autre ni d'aucun guide - que j'ai toujours confondu et mêlé les deux préoccupations du romancier; a) peindre la société, b) faire œuvre de beauté. Je disais dans mes préfaces : être historien et poète. L'un me paraît aussi nécessaire que l'autre." Feuilles, p163 17 mars 1906.)

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"Etant enfant, j'ai vu de grands malheurs passer par ce salon aux murs si discrets et dépourvus de vignettes, et je m'aperçois que j'ai aimé surtout raconter de grands malheurs avec un minimum d'effets extérieurs." Feuilles, 26 août 1909, p184.

 

"Ce qui manque le plus aux hommes, c'est le jugement. Ce n'est pas la méthode.

Nous souffrons au contraire de l'emploi des méthodes. On a, de tout temps, recouru aux méthodes : le syllogisme était une méthode! La méthode en fait de jugement, on pourrait soutenir que c'est l'ennemi; car la méthode, c'est le moule tout fait, d'ailleurs trop commode, qui favorise la paresse de l'esprit. Dès que l'esprit peut s'appuyer sur un objet qui lui épargne de la peine, il l'adopte et s'endort." Feuilles, p188, 6 novembre 1909.

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"Voilà une pauvreté qui me fait trembler plus que la misère matérielle; car celle-ci peut comporter des consolations, mais l'injustice légale n'en offre pas, et elle est ce qu'il y a de plus offensant pour la dignité humaine." p189 Feuilles, 6 novembre 1909.

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"Je suis un lyrique détourné de sa voie. Je ne fais que me chanter moi-même, d'une façon timide, sous le couvert de figures  auxquelles je donne des noms. Mes romans sont mes haines, mes mépris, mes aspirations et mes rages." p211, 6 janvier 1912, Feuilles.

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"Je suis un lyrique détourné de sa voie. Je ne fais que me chanter moi-même, d'une façon timide, sous le couvert de figures  auxquelles je donne des noms. Mes romans sont mes haines, mes mépris, mes aspirations et mes rages." p211, 6 janvier 1912, Feuilles.

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"Il (Barrès) ne lui en coûte pas de mentir : là perce le bout de l'oreille de l'histrion, du conquérant de l'opinion" Feuilles, p226 12 novembre 1914.

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"Pas une parole vraie ne frappe nos oreilles; il règne une épidémie sur l'imagination qui fait transposer à chacun le moindre fait, travestir le moindre mot." 1915, p227

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"Le monde qui se pâme au récit du petit soldat, il est, au fond, déjà empoisonné par la théorie du succès : logiquement il devrait applaudir le lâche qui se sauve et qui conserve sa vie."

"Dans le sacrifice du soldat, ils voient le bénéfice qui résulte pour eux-mêmes de l'effort, même brisé, qu'a accompli le héros; mais ce n'est pas la beauté morale du sacrifice généreux qu'ils admirent. Et leur état d'esprit me soulève le cœur de dégoût." p230 Feuilles 22 janvier 1915.

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"Toute ma vie, toute l'explication de mon œuvre sont là. Je suis incompris par suite d'une discrétion exagérée. Je me tiens à l'écart parce que ma vibration est bien plus forte que celle d'autres. Je suis discret pour ne pas montrer une émotion trop grande. Mais j'emporterai avec moi mon secret." Feuilles, 15 juillet 1919, p258

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