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LES ŒUVRES : Leurs oeuvres

Dernières œuvres critiquées 

  JACQUES CHARDONNE

1884 - 1968

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Bibliographie     L'Oeuvres                     

" La persécution juive à travers les âges, c'est pour moi la honte de l'humanité. Bien plus, ce cancer, et cela seulement, me donne la honte d'être un homme. Le pire, peut-être, dans ce crime permanent, c'est la stupidité. "

Lettre à Paul Morand, 19 novembre 1959

Jacques Boutelleau, dit Jacques Chardonne, né à Barbezieux-Saint-Hilaire en Charente, fils de bourgeois aisés puis ruinés, éditeur, écrivain, il meurt à La-Frette-sur-Seine le 30 mai 1968 en une période de bouleversements qui touche certainement beaucoup moins qu'on pourrait le penser une œuvre de moraliste inscrite dans la meilleure tradition littéraire française. Littérairement parlant Jacques Chardonne est un des écrivains les plus importants de l'après Proust. De ton classique, moraliste et peintre subtil du bonheur et du couple, il est un auteur raffiné et aristocratique.

Par sa mère, il appartient à la lignée des fabricants de porcelaine de Limoges, les de Havilland. Réformé il échappe à la guerre de 14-18 qui aurait certainement fait de lui un nom de plus dans la longue liste des écrivains assassinés à la guerre. L'œuvre qu'il nous a donnée laisse entrevoir ce dont ce massacre a pu nous priver en tuant dans l'œuf d'autres talents qui ne s'étaient pas encore révélés. Il nourrit une admiration de Jaurès et de Blum qui a le tort à ses yeux de devenir belliciste. De même il regarde un temps vers le communisme, germanophile il acceptera un peu trop facilement l'occupation et fait deux voyages en Allemagne sur l'invitation de Goebbels et en compagnie de Pierre Drieu la Rochelle. Il écrit le Ciel de Nieflheim dont il fait un tirage privé ouvrage qu'il renie et refuse de publier par la suite.

Le nom de Chardonne est trop souvent associé et limité à cette période de la collaboration ou à sa liaison avec ceux qu'on a appelé les Hussards, en particulier Roger Nimier. Libraire-éditeur, il a connu bien d'autres personnalités du monde littéraire.

Contrairement à Paul Morand, collaborateur actif et écrivain sans grand intérêt, Jacques Chardonne n'appartiendra jamais à l'Académie française, un ostracisme qui n'honore certes pas cette dernière, peu d'écrivains auraient autant que lui mérités cet honneur. (Ce commentaire acerbe a été posté avant la publication de la Correspondance avec Paul Morand, au regard de cette correspondance, je comprends que l'Académie se soit passée de l'honneur d'accueillir Chardonne, elle aurait pu faire de même avec Morand dont l'humour odieux ne méritait certainement pas un quelconque honneur.)

 

Un peu d'autobiographie : Il y a presque cinquante ans, alors que je travaillais depuis peu rue du Colonel Driant, je fréquentais assidûment deux librairies. La première, aujourd'hui disparue, rue de Rivoli, proche de la Samaritaine, était tenue par un monsieur d'âge mûr qui descendait de temps en temps dans sa cave prendre dans sa réserve quelques vieux livres reliés qu'il me vendait, ainsi, j'ai acheté plusieurs volumes d'Anatole France. La seconde, en face du Théâtre Français, était la librairie Delamain et Boutelleau, ancienne librairie Stock. Je savais que c'était en même temps un libraire-éditeur ou qu'elle l'avait été. J'ignorais que Jacques Chardonne, alias Jacques Boutelleau en était ou en avait été un des actionnaires dirigeants. J'ignorais que cet espace un peu en retrait dans la librairie où étaient exposés de vieux livres, avait-peut-être été son bureau. Cette librairie existe encore et elle a conservé à mes yeux un parfum particulier, celui de mes premières découvertes, celui de mes passages entre travail du matin et de l'après-midi, quand, en sortant d'acheter un livre ou deux, peut-être un de ces cinq sur six volumes des œuvres complètes de Jacques Chardonne que j'ai complétés il y a peu ; j'allais lire dans le jardin du Palais Royal tout proche où  j'enrageais d'avoir à payer ma chaise à ces vieilles dames, les chaisières, qui officiaient encore dans les jardins publics. (Mai 2010)

 

 Bibliographie :

- L'Epithalame    1921

- Le chant du bienheureux    1927

- Les Varais    1929

- Eva ou le Journal interrompu    1930

- Claire    1931

- L'amour du prochain    1932

- Les destinées sentimentales    1934-1936

- L'amour c'est beaucoup plus que l'amour    1937

- Romanesques    1937

- Le bonheur de Barbezieux    1938

- Attachements    1943

- Chimériques    1948

-Vivre à Madère    1953

- Lettres à Roger Nimier    1954

- Matinales    1956

- Le ciel dans la fenêtre    1959

- Femmes    1961

- Demi-jour    1964

- Catherine    1964

- Propos comme ça    1966

- Détachements    1969

- Ce que je voulais vous dire aujourd'hui    1969     

- Correspondance avec Paul Morand 1 1949 -1960     2013           Retour Haut de Page ou Bibliographie

 L'Oeuvres

 L'Epithalame - 1921  (Voir : documents : recension du roman par Henri de Régnier) On a pu dire que René Boylesve est le chaînon manquant entre Flaubert et Proust, peut-être pourrait-on dire de Jacques Chardonne qu'il est le premier chaînon de l'après Proust, un après qui a digéré l'impact proustien et qui, revenant aux moralistes du XVIIème, le dépasse - en tant que forme - et permet de continuer. On s'étonnera peut-être de cette expression d'après Proust, mais Proust n'est pas une fin, peut-être un prestigieux cul de sac, rocher dressé dans ce début de première partie du vingtième siècle, il est caressé par le flot qui le dépasse temporellement - quelques uns en prennent quelque chose, il me semble que Chardonne est de ceux-là, avec d'autres moyens. Dans ce roman tout surtout le style, semble insaisissable. L'écrivain subtil des nuances du couple, de l'amour conjugal et du bonheur parvient dans ce premier roman publié à une étonnante réussite qui ne sera pas toujours perçue, par exemple par un jeune critique tel que Robert Brasillach. C'est en faisant la recension de Claire quelques années plus tard que ce dernier écrit : "Le roman de M. Chardonne - et c'était déjà le défaut de l'Epithalame, d'Eva et même à un bien moindre degré, des Varais - manque de chair." (La causerie littéraire de l'Action Française du 5-11-1931) Vraiment curieux ce reproche de Brasillach qui le définit certainement plus qu'il ne touche Chardonne. Il faut en effet de la sensibilité pour suivre Chardonne surtout dans l'Epithalame, une sensibilité qui fait bien défaut à Brasillach écrivain, sec et scolaire qui reproche donc à un autre ce qui lui manque. Il y a même chez Chardonne de l'Estaunié qui traque la vie invisible, mais ici, l'invisible n'est que le tissu du quotidien, des sensibilités qui agissent les unes à coté des autres et il n'approche de l'invisible que par sa subtilité et par le sens qu'il a de la vie pleine et "immobile". L'Epithalame est un roman pointilliste dans lequel on avance comme dans la réalité, par des petits riens. On a pu dire qu'il était le roman de la difficulté et de l'échec du couple ce qui me semble correspondre à son intrigue mais être démenti par le dénouement en ce qui concerne l'échec.

L'Epithalame fut en compétition pour le Goncourt avec Batouala de René Maran qui l'emporta. Les deux œuvres ne furent départagées que par la voix du président du jury qui compte double. Le livre eut un très grand retentissement. Le choix peut aujourd'hui nous sembler étonnant mais c'est le double état de Chardonne-Boutelleau, éditeur et écrivain qui lui fit manquer le Goncourt. .

On se réfère à l'édition des œuvres complètes en six volumes de 1951 " ... il voulait étudier l'histoire de Napoléon. "Trop tard, se disait-il en parcourant les rangées de volumes. Je ne serai jamais savant. Et puis, que nous donne un livre quand on a peu de mémoire ?" p 58 (M.Pacaris, le père d'Albert) Berthe écrit à son ami : "Mais les parents ne s'intéressent pas vraiment à leurs enfants. Ils ont fini leur vie et tout ce qui est vivant les ennuie un peu." p 76 "Je sais qu'il est difficile de vivre avec les siens. On les pénètre trop facilement ; du moins on le croit. Il faudrait se retenir de les juger et les aimer un peu aveuglément de peur de se méprendre." p 97 (Albert) "Les hommes tâchent de cacher leurs faiblesses par des paroles. Ils troublent l'esprit et c'est leur plus grande faute." p 97 (Albert) Cette citation fait partie de la révélation de sa nature que fait Albert à Berthe dans la première partie de l'œuvre. Charles du Bos la cite longuement dans sa longue recension de la Nouvelle revue Française du 1er décembre 1921. "On atteint à une sorte de bonheur avec l'âge. Il vient comme un apaisement, un appauvrissement. Il ressemble à l'oubli, à l'indifférence, à la satiété. Quelquefois, à la folie. Je me méfie des gens heureux." p 107 (Albert) "... on ne trouve en soi qu'un complice et un flatteur. La vie nous corrompt insensiblement, quand on ne s'appuie à rien de ferme." p 116 (Ensénat, l'ami d'Albert) "La vie est une eau fuyante qui reflète ce que l'on veut." p 116 id "Ta peinture des misères de l'homme n'est pas complète. Tu oublies sa principale infirmité. Je vais te dire sa vraie misère : on l'endort facilement." p 117 id "La vie vous apporte ce qu'elle veut." p 127 Berthe. Pages 142 à 147 Chapitre VIII, remarquable description des fiançailles d'Odette et de Castagné, par petites touches naturellement liées. "L'objet de l'écrivain est toujours de reproduire la réalité, la plus haute réalité. Mais où réside cette réalité et comment l'atteindre ? C'est un problème." p 191 (Albert) Cette conception est bien celle de l'auteur, Boylesve quant à lui disait la réalité moyenne, celle qui rend compte le mieux de l'époque ou d'un milieu. On est face à deux conceptions, l'une, celle de Chardonne, d'une sorte de littérature militante, mais à un niveau "élevé", presque sublimé, qui doit éduquer ; l'autre, celle de Boylesve, qui fait du romancier un témoin. Chardonne n'est pas pour autant un écrivain militant, lui aussi recherche le réel.  "Elle se rappelait ce que l'on enseignait aux jeunes-filles sur la tenue d'une femme, la dignité sacré de la femme, et elle s'apercevait que les plus belles et les plus parées sont au service de l'homme." p 197 (Berthe) Chardonne frôle presque Estaunié, parfois, accidentellement : "Je vous dis que cette eau calme et qui vous semble grise contient dans ses profondeurs plus de vie que le caprice des vagues. C'est là que vous trouverez le secret de l'amour." p 287 "Autrefois, je ne t'aimais pas ? ...... - Tu ne peux pas me l'ôter ! ton amour d'autrefois m'appartient ! - .... une parole maladroite avait faussé sa pensée." p 291 "Je vous affirme que l'humanité perdra un grand trésor de sagesse quand les femmes deviendront des hommes et qu'elles ne sauront plus aimer." p 328 (Albert) "Voilà bien votre morale ! dit André. C'est la chair qui est coupable, et on excuse ceux qui ensevelissent vivant un beau corps. ... - Notre conscience est si bien façonnée par la société que ses victimes lui demandent pardon." p 378 "Il s'aperçut qu'elle avait entendu dans ces mots un aveu d'amour. Un sentiment auquel il ne songeait point lorsqu'il prononça cette parole lui apparaissait maintenant comme possible à exprimer, et aussitôt il crut le ressentir." p 390 "Qu'est-ce qui est bien sérieux ? Qu'est-ce qui est vrai ? J'ai cru aux mots sacrés qui n'ont pas de sens. J'ai cru qu'on pouvait se donner à un homme jusqu'à ne plus s'appartenir. On reste soi-même. Je suis ce que je suis." pp 399-400 (Berthe)      

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 Claire - 1931 Le récit de Claire est plus linéaire, moins pointilliste que celui de l'Epithalame qui est un chef d'œuvre du genre. Plus ramassé, il contient un grand nombre de réflexions qui, isolées, de portée générale, constituent autant d'aphorismes et c'est là un élément de rapprochement de ces moralistes du XVIIème siècle, particulièrement La Rochefoucault qu'Albert donne à lire à Berthe dans l'Epithalame. On a pu opposé ce récit à l'Epithalame en le considérant comme celui du couple heureux.

On se réfère à l'édition des œuvres complètes en six volumes de 1951 "Quand je l'ai connue, elle était jeune et j'ai cru que je ne la verrais jamais vieillir." p 108 " Le but de la vie est le plaisir. C'est un idéal inaccessible, mais quand on le peut, il faut s'en souvenir. D'instinct, j'écartais le luxe comme la plus grande gêne." p 114 " Il faut de l'âge pour savoir au juste ce que l'on aime. Les blessures et les fatigues de la vie ont affiné le tact. On ressemble à ces connaisseurs délicats que tout rebute : ce qu'ils apprécient avec discernement les ravit comme personne. " p 116 " Les hommes ont trop pensé à la mort. C'est inutile. Pour soi, la mort n'existe pas. " p 119 " C'est notre souffrance, notre propre façon de sentir si nouvelle, c'est le plus chaud, le plus vivant de l'être, que la mode atteint d'abord et qui sent un jour l'artifice. Pourtant rien ne dure qui ne vienne de l'âme. " p 128 " Ceux qui nous ressemblent ne nous intéressent qu'un instant ; ils nous montrent bientôt notre faiblesse. " p 167 " On ne saisit la réalité humaine que dans sa propre vie et à travers son expérience, mais elle n'est pas communicable. L'homme est infini et impossible à représenter. " p 171 " Un jour nous constatons sans trouble que nos idées ont changé. Cela devrait pourtant nous bouleverser, mais nous y sommes préparés par des modifications plus profondes, parfois inconscientes, et qui touchent à la racine de nos actes. " p 172 Après le mariage, le narrateur constate : " Ce n'est plus une image que je façonne à mon gré, une abstraction, mais une personne vivante, expressive, qui affirme son existence indépendante et réelle, qui a un caractère dessiné, une sensibilité propre, et dont tous les mouvements me touchent. " p 183 " On rencontre des exaltés qui n'ont vu dans le monde que sottises, crimes et incuries. Assurément, ils n'ont pas tort, mais leur colère est de mauvais ton ; il ne faut pas être l'ennemi de la meilleure société possible ; c'est pourquoi je me préserve de ces contacts autant que cela m'est permis ; je ne voudrais même pas de ses sourires. " pp 193/194 dans le même paragraphe : " J'aime notre solitude à Charmont, notre vie étroite et abritée qui ressemble à l'ennui ; j'aime ce pays gris aux nuances si fines que je crois les inventer. Le monde peut changer ; si le bonheur est ici, on le retrouvera toujours. " p 195

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 Les destinées sentimentales - 1934 - 1936 Nous sommes ici en présence d'une œuvre polyphonique. Chardonne élargit son champ tant par le nombre de personnages suivis, plusieurs qui auraient été traités en personnages secondaires deviennent ici des figures de premier plan dans une partie de l'œuvre ; qu'au plan des thèmes puisqu'il avance plus largement que dans les œuvres précédentes dans le domaine des affaires et du social. Cela n'empêche pas le roman de conserver une forte cohérence et le lecteur de retrouver le thème principal, récurrent chez l'auteur : le couple. Chardonne narrateur se fait tellement discret en épousant successivement la vision de ses personnages, que l'on a l'impression qu'ils tiennent la plume même à la troisième personne. Le moraliste laisse aller sa plume mais elle est toujours maitrisée, Chardonne, c'est le miracle d'un style d'apparence très libre mais fondamentalement classique. Est-ce vraiment un miracle ? N'y a-t-il pas que les tocards du style tordu de ceux qui ne savent pas écrire pour s'en étonner ! Combien de fois faudra-t-il écrire que ces styles tordus, brisés, vitupératifs, exclamatifs, syncopés, sont non seulement fatigants, mais ne sont que la simple bouillie à cochons des écrivains d'occasion, des marchands de papier, de ceux qui ignorent qu'ils ont à leur disposition la langue d'Anatole France, de Proust et de quelques autres sans vouloir remonter plus avant, admirable outil de communication, apte à faire passer le beau, le subtil, aussi bien que la colère ou la diatribe. Chardonne s'inscrit dans une grande lignée, mais il y prend une place inoccupée, il crée un ton nouveau qui peut, les Destinées le montrent, sortir de l'analyse étroite du bonheur et des difficultés de la vie à deux. Le bonheur à deux est difficile, on n'y parvient pas forcément du premier coup, il y a autour la vie, les forces extérieures, il faut être attentif. Les entreprises que nous approchons sont des fabriques d'excellence. Que ce soit le Cognac ou la Porcelaine de Limoges, le patron est une sorte d'artiste conservateur d'une tradition, il porte son projet pour le bien de tous, même si ce bien est forcément limité. C'est la vision d'un homme qui a bien connu ce milieu, j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, il est en cela voisin d'un André Maurois qui fut chef d'entreprise et qui témoigne dans Bernard Quesnay. Quoi que l'on pense de ce discours, de cette vision, elle correspond sans aucun doute à une réalité, une réalité aujourd'hui rare sinon introuvable dans la jungle actuel d'une mondialisation sauvage, sans gouvernance, où seule la cupidité du libéralisme le plus égoïste règne. Chardonne donne involontairement une leçon à tous les crétins de l'ENA, une leçon qu'ils n'ont jamais reçue : diriger une entreprise, c'est avant tout diriger un projet industriel à long terme. Jean Barnery est une grande figure de cette bourgeoisie protestante, il est campé au sein d'un monde large, on a l'impression que rien de ce qui le concerne ne nous échappe. La guerre de 14-18, n'est pas escamotée, Chardonne qui ne la fit pas trouve ici des accents forts pour en quelques lignes nous faire appréhender le retour de ces hommes brisés, les rescapés de la tuerie.

Monsieur Pommerel ne sentait pas de contradiction entre sa religion et son commerce de cognac ; ..." suit la description de la parenté que Monsieur Pommerel établit entre ces deux éléments de sa vie. (p 17) Exemple de mot juste. Pauline découvre sa cousine dans la salle de bal : " Tous ces gestes étaient nouveaux pour Pauline. Il lui semblait qu'elle venait de voir Marcelle vivre pour la première fois et de surprendre un secret. " p 26 ou " Les dames et les jeunes filles s'acharnaient sur des tâches ingrates, les doigts noircis et endoloris, mais avec une apaisante sensation de charité. " p 39 " D'ailleurs la différence entre la pauvreté et la richesse ne tient pas à une somme déterminée, mais à ceci : "Etes-vous équilibré et adapté à la société ? Peut-on vous confier un emploi ?" p 87 Chardonne répond ici à ceux qui font des les ouvriers "pour voir er savoir" et à qui manquera toujours la condition ! " Pour lui, les mots solitude et injustice, évoquaient exclusivement l'iniquité originelle, l'échec, la démence de la vie que figurent les rapports de l'homme et de la femme. " p 169 (Jean Barnery livré à la solitude par le sentiment d'une faute commise envers sa femme, Nathalie, le pasteur prend des accents "greeniens" : "... il sait le néant des choses humaines, et aussi le vide de ce monde spirituel qu'il a cru d'essence si différente. " p 171 " Une force de destruction semble s'acharner sans relâche sur toute tentative d'harmonie ou de stabilité, rouler des débris, salir les maisons, bousculer les êtres qui vont s'user au travail. " Chez Chardonne, issu de la bourgeoisie aisée, mais d'une famille ruinée, toute entreprise est vulnérable, c'est presqu'une constante. Dans Claire c'est la plantation, dans les destinées la maison des cognac Pommerel autant que la fabrique de porcelaine de Limoges de Barney, même le petit patron colérique de pauline, Brochard, ancien ouvrier, sait la vulnérabilité de toute entreprise : " Je pourrais glisser " disait-il." p 176 " Le plus souvent l'amour suffit chez un seul ; cela facilite les rencontres. Avec beaucoup d'assiduité un homme finit par se faire agréer ;... - Il arrive aussi que l'amour soit partagé.    - Voilà le mystère.     - Le cas est si rare que l'on pourrait se dispenser d'en parler. Cependant tout se passe dans la société comme si l'exception était la règle, l'amour partagé et durable, ce que le mariage suppose ... Tout est organisé en faveur de l'exception merveilleuse. " p 194 " Aimer une femme, c'est le bonheur", se disait Jean. Par une femme, seulement, on adhère à la vie, on saisit un objet réel, on connaît la beauté, on a une raison d'être. Mais cet amour suppose un cœur apte à le recevoir et une complète soumission, afin que la femme domine par sa douceur même. Pauline n'aura jamais tort, elle ne sera jamais vieille, elle sera toujours la plus charmante, la plus sage, la plus noble. Elle n'impose rien. Son pouvoir vient de Jean ; elle n'existe que pour lui. Cette abdication, cette création, c'est l'amour. " p 223 Cette note s'inscrit dans une société où la femme n'a pas encore pris toute sa place, mais Pauline, l'héroïne a déjà montré son indépendance, morale et matérielle. Jean et elle sont situés presque totalement en dehors d'une société dont on les a vus se retirer. C'est donc un peu d'une sorte de couple idéal que Chardonne nous entretient, un couple qu'il prend ici à un moment bien particulier. " Mais la vraie peine des autres ce n'est pas le travail, c'est la misère. On ne la voit pas. Ceux qui ne peuvent plus travailler se cachent ... J'ai surpris des misères terribles à Limoges ... Je ne peux pas l'oublier ... Je souffre de ces plaies sociales ... Tout homme satisfait en est responsable ... Il l'a permis.  ........... - On n'a pas le droit d'être heureux.    - Ces misères sont des fautes, des oublis de la société ... il faudrait décider si tout ce qui a du prix sur terre, pour tous, ne tient pas à un principe cruel, à une espèce d'injustice bienfaisante ... " p 228 Il y aura peut-être une réponse vers la fin du roman, dans cette note admirable de concision et d'économie d'émotion : " Sur les hauteurs de Passy ....... La ville stoïque et plantureuse cachait bien la chambre où sans secours, faute de quelques papiers, des gens vivent d'une gorgée de thé et n'ont plus jamais faim. " p 437 " La vie n'enseigne rien, elle détruit. L'amour exige certaines préparations ... une retenue ... des réserves ... une rêverie préalable, comme une religion qui a été très tôt déposée dans le cœur. " Pauline p 340 " Le pouvoir des paroles est étrange. Presque tout ce que nous prenons pour un goût, pour une décision, pour la sagesse, c'est une parole ..." p 342 " ... mais Pierre savait que même dans le plus haut poste la liberté est réduite. On se heurte au caractère de certaines personnes, subtile entrave. " p 351 Pages 353-354 : " autre chose ... je ne sais quoi ... une nostalgie ... un égarement plein de sous-entendus et dont elles [les femmes] n'ont pas honte, même déçues ..." L'auteur fait parler un personnage, ici Jean Barnery. Il suggère le subtil, l'inconnu difficile à appréhender. Il le cerne par des mots isolés par des points de suspensions avant d'aboutir à une conclusion certainement provisoire, également suivie des trois points qui ne sont pas une invention célinienne mais qui fourmillent dans les textes symbolistes fin du XIXème siècle qu'il est préférable d'oublier. Tout au long du roman, Chardonne évoque la concurrence allemande sur le marché de la porcelaine. Pages 361-362, sur des chiffres de 1927, ce qu'il décrit pourrait déjà s'appliquer à la mondialisation. " Il était emporté dans le sens de sa vie qui ne relevait ni de la raison ni du plaisir, fidélité mystérieuse, volonté subie, implacable comme la direction du train. " p 436 " Tout ce que j'ai fait est inutile,... Eh bien, c'est étrange, je n'ai pas le sentiment d'une vie perdue ... Il n'y a pas de vie perdue, quand on a aimé ... ne fut-ce que ses outils ... Cet attachement, cet amour pour des êtres et pour de petites choses de rien, assurément périssables, et que la vie même, avant la mort, nous retire, je voudrais savoir ce qu'il signifie l'amour si vivace, rebelle à toute raison, à la plus vieille expérience ... et cet espérance qui est au fond de l'amour ... cet espérance qui est au fond de tout ... " p 446 Force de la littérature et du rêve, le roman se termine sur une lecture de Valéry faite par Pauline à Jean Barnery. " Un jardinier italien gratte le sol avec un râteau endormi. Tout à coup il parle dans son patois. Cela sonne dans le silence de midi et se mêle au bruit très particulier du râteau qui remue le gravier. Il semble dire : que le travail est chose vaine !...     Elle s'interrompit, regardant la figure immobile de Jean.     - Jean !    Il ouvrit les yeux    - Ah!... Tu m'as fait peur dit Pauline.    - Pourquoi ?... J'étais dans le jardin sous le cerisier." p 452

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 Catherine - 1964 - 1904 Ecrit en 1904, la rédaction de ce roman précède de 17 ans la publication de l'Epithalame et l'entrée en littérature de Jacques Chardonne. Il avait été oublié, même par l'auteur. Le thème de Pygmalion, l'homme qui façonne la femme n'est pas isolé dans l'œuvre de Chardonne. Nous le trouvons dans le premier roman publié quand Albert forme Berthe, pour un autre dit-il. Dans Claire, le narrateur fait de même et l'on peut suivre la modification des relations dans les deux romans, après le mariage, avec des sorts différents. Ici, c'est à un autre type d'éducation, plus scabreux, que se livre François, une séduction qui amènera Catherine ... C'est également un portrait du séducteur que nous donne Chardonne, un séducteur qui connaît les affres de son jeu : " Toujours il peut l'atteindre mieux par une allusion plus claire, sans jamais la saisir tout à fait ; toujours il reste en elle une émotion qu'elle ne connaît pas encore.         Les nerfs meurtris, la tête vide, épuisé par cette tension de l'esprit, cet effort de l'être concentré sur sa proie, il monte dans sa chambre et s'étend sur son lit. Il voudrait s'enfoncer dans une eau tiède où fondraient ses chairs, sa pensée. Il ne songe plus à Catherine. Elle a disparu de sa vie. " pp 86-87 " Quand il parle à Catherine, la volonté de plaire, de l'entrainer vers un but obscur le transforme en homme éclatant de vie, d'esprit, d'énergie. Puis il retombe dans sa torpeur.        En ces moments d'exubérance, dans cette impétuosité de sentiments, ce bouillonnement de forces exaltées où remonte le meilleur de soi, il se dévore. " pp 92-93 Dans ce court roman Chardonne procède déjà par touches et montre cette subtilité qui sera sa marque. Il y a encore, semble-t-il une trace de construction, comme un reste d'armature, cela disparaîtra complètement par la suite ou, du moins, deviendra invisible.

Toujours extrême il défendait les opinions les plus singulières avec assez d'adresse, et on pouvait croire que la vérité se conforme à une imagination un peu subtile. " p 47

 Le bonheur de Barbezieux - 1938 Ce livre n'est pas un roman mais un livre de souvenirs. La différence est ténue, le ton y est le même que celui des œuvres de fiction de l'auteur. Jacques Chardonne est à la fois un personnage simple et complexe. Il ne quitte pas la vie, rejetant les systèmes et les théories et nous le suivons dans les méandres de ce qui nous fait ce que nous sommes, ces choses insaisissables. " Sur ces gens et sur bien d'autres je pourrais conter de plaisantes histoires. Ils étaient tous pittoresques. Mais j'en ai vu trop de cette sorte et j'ai douté que l'humanité fut vraiment composée de tels personnages. Ces silhouettes bizarres que nous présentent les hommes sont un effet trompeur de la surface, et, tâchant de les voir mieux, j'ai perdu le goût des singularités et du pittoresque, même dans le style. " p 119 Jacques Chardonne appartient à des lignées bourgeoises, comme d'autres, il le revendique, mais il en donne une image très différente de celle que laisse, par exemple, le polémiste Paul Bourget. Chardonne nous livre quelques remarques sur l'écriture et l'art d'écrire. " Mais aujourd'hui que cette foi a donné ses fruits, je ne sais plus si je suis écrivain. J'hésite devant chaque phrase, j'ignore ce qu'elles valent, je les termine vite. Il me semble que je n'ai rien dit, et que je n'avais rien à dire. Si l'on ne m'avait pas rassuré, je me serais arrêté tout de suite. " p 97 " Une œuvre est bien chétive quand elle demeure à l'état de projet et de rêve. C'est dans la précision matérielle de l'achèvement qu'elle peut donner à rêver. cette expérience m'a fait douter du sens des mots Matière et Esprit. " p 139 Sur la pensée, l'art et l'écriture : " Je bénis ces incommodités, ces arrêts, tous les refroidissements. Ils empêchent la méditation trop prolongée et ses entrainements. Ils préservent des systèmes, de la verve, des belles amplifications et de tout ce qui veut donner à croire plus qu'il n'y a. " p 146 Il continue : " A travers les systèmes et les doctrines, j'ai suivi la pensée des hommes tout ce que j'ai pu, sans en retenir grand chose. Mais un livre ne nous montre jamais un homme, un homme tout simple et tout entier. " " L'art n'est qu'un inventaire, mais choisi et transcrit avec dévotion. Il n'y a point de créateurs chez les artistes, il n'y a que des fidèles. " p 159 Il me semble que cette phrase définit parfaitement l'art de Jacques Chardonne. De Jean Barnery, le héros des destinées sentimentales, il nous confirme qu'il est bien inspiré de Charles Haviland, fondateur de la fabrique de porcelaine de Limoges du même nom. p 112 Les réflexions sur l'amour et le couple sont à prendre avec intérêt de la part d'un auteur qui a tant attaché d'importance à ces sujets : " En général, ces tragédies ont pour cause un défaut de la nature, un mauvais pli du caractère. Les drames de la chair viennent de l'esprit. Si les êtres étaient parfaits, on ne s'apercevrait guère de l'amour " ..... " Ce qui est admirable et rare ; c'est une sensibilité juste, celle qui ne crée pas de tourments avec des riens. " p 105 " Chacun a ses idées sur l'amour, ses souvenirs, et il y tient. En général les hommes se trompent sur ce sujet, à cause de leurs souvenirs, justement. Ils jugent les femmes d'après eux-mêmes. " p 135 " Inclure l'amour dans le mariage et la réalité, c'est exiger des êtres tout ce que nous attendions de l'amour, et leur donner beaucoup d'importance. La faiblesse des êtres entraine les mécomptes de l'amour ; double défaite.        On dirait que l'homme est avide surtout de belles défaites. " p 142 Des parents et des enfants : " En réalité les parents n'élèvent pas leurs enfants, même quand ils les garde à vue. Notre enfance est toujours un secret. " p 97 Bien sûr, c'est également de lui qu'il nous parle ici et ailleurs : " La vie choisie sans raison apparente et menée obstinément : "Le bon plaisir". " p 127 " Comment concevoir sa vie autrement qu'elle fut sans porter atteinte à soi-même ? " p 141 Enfin on reprendra avec intérêt la longue réflexion sur cette bourgeoisie des entrepreneurs si présents dans son œuvre, pp 122 à 125. 

 Romanesques - 1937 Comme pour les autres romans de Chardonne le couple est au cœur de celui-ci, mais, ici, il y a un narrateur observateur, parfois acteur, qui "n'entre" pas dans les autres personnages et qui ne donne pas au lecteur cette sensation d'avoir affaire alternativement à chacun d'eux. C'est certainement à cela que l'on doit cette impression que le livre "ne prend pas". On veut bien entrer un peu dans le romanesque d'Armande, un peu difficile, artificiel, on n'entre pas dans celui d'Octave, quelque chose manque, peut-être un peu de cette sensibilité indispensable au roman : " Quand on a perdu la manie d'écrire, on n'écrit plus du tout. On rêve sur une idée. Ce n'est pas une idée qui inspire un roman, c'est une émotion légère, pareille au désir. " p 104 Ce n'est pas par ce récit que je recommanderais d'aborder Chardonne encore qu'il souffre peut-être simplement de la comparaison avec d'autres tels, l'Epithalame, Claire ou les Destinées sentimentales, qui sont des œuvres remarquables et de vraies réussites. Les deux romanesques soufrent de leur détachement de la réalité, de la vie, d'une vie qui est l'essence de l'œuvre de Chardonne. Ils sont maladroits, mais si cette vie ne les épargne pas, il semble bien qu'ils trouvent le moyen de s'en accommoder sinon de s'en protéger. " Armande n'admettait qu'une réduction d'Octave, adaptée aux nécessités de la vie commune. " p 39, " C'est vrai, on n'aime qu'une fois. Il y a un sentiment qui épuise à jamais, qui brûle tout. On en sort avec l'épouvante de l'amour. " p 42, " Vu au microscope, l'amour est un pullulement d'erreurs, de faux pas, de désaccords ... " p 54, " ... il faut de l'esprit pour apprécier ce qui existe. " p 66 On notera le passage, pages 38-39 sur les manuscrits refusés et les écrivains non imprimés.                          Retour Haut de Page ou Bibliographie

 Chimériques - 1948 A quoi tient notre jugement ? Quelles nuances séparent Romanesques de Chimériques qui font que je ne suis pas vraiment entré dans le premier et que j'apprécie le second ? Je dirais même que Chimériques, entre roman et autobiographie me semble une parfaite réussite. Ici, on oublie en effet le roman et on suit le narrateur avec la très forte impression que l'auteur s'adresse directement à nous, évoquant sa vie, ses rencontres ... L'actualité est là, arrière plan sur lequel l'auteur nous dit par ses personnages comment il se situe. Il faut bien lire, par exemple, cette citation : " Pourtant le fond chrétien demeure et c'est pourquoi les temps actuels font horreur à tout le monde [en Charente]. On a vu ce que l'homme peut oser pour sa gloire ou pour son bien être quand il met sa foi en lui-même ; ce que deviennent entre ses mains audacieuses la science, la raison et la justice. Je suis fatigué des ambitions humaines et de ceux qui veulent faire notre bonheur. " p 216 Jacques Chardonne se justifie et se resitue à la fois. Il ne répond pas à Gide pourtant cette remarque concernant la famille : " Et la famille ? Comment l'organiser ? Comment réunir ensemble sans iniquité et tourments l'homme et la femme et leurs enfants ? Faut-il supprimer la famille ? Elle est essentielle. Impossible de l'organiser, voilà tout. Famille, société, nœuds inextricables. Et l'amour ..." p 161 Quand il fait dire à son narrateur " Cette guerre nous concerne à peine et je ne veux point m'en occuper. Elle est un moment de la maladie du siècle qui verra la transformation complète de nos façons de vivre, de penser et de sentir ..." p 163 Jacques Chardonne vise peut-être une attitude qu'il aurait rétrospectivement aimé avoir prise, mais l'histoire de Lucien ( p 233-234) dit le contraire, là, si on peut avoir renoncé à l'illusion d'une Europe "forte" sous la houlette du totalitarisme allemand, on n'a pas abandonné la vue des chrétiens vaincus : décadence et perdition, doctrine nationale de Vichy. Restent les nombreuses formules qui pourraient figurer comme autant de maximes dans un recueil tels ceux du XVIIème siècle. " Nulle gloriole ne monte à la tête comme notre estime pour nos propres vertus et pour nos opinions. " p 186 Le personnage qui dit cela reconnaît d'ailleurs immédiatement cette idée pour fausse. " Est-ce la vie que l'on veut toujours ranimé dans l'amour, sans croire à l'amour ?" p 218 " Les hommes ont trop de considérations pour leurs sentiments. Ils ne voient donc pas qu'ils sont pris dans la sorcellerie des circonstances ? Ils font moins d'embarras pour leurs crimes. " p 230 " Je m'aperçois que nos vues sur les gens sont faites d'innombrables images passagères souvent contradictoires ; c'est une foule de personnages opposés et mêmes incompatibles que nous parvenons à faire tenir dans un être dont la silhouette demeure assez fixe. " p 231 Il y a d'excellentes formules, concises et pleines d'une sorte d'humour froid : " Je n'ai pas bien compris, et lui non plus, je pense, comment il se lia sur le tard avec une amie de sa femme, étant l'homme le moins fait pour les intrigues amoureuses et déjà comblé par l'épouse de tous les embarras du cœur. " p 156 Enfin comment aurais-pu ne pas noter cette remarque puisque le sentiment qui est décrit ici fut le mien à dix-huit ans : " Lorsqu'un jeune homme a posé ses lèvres sur le visage d'une jeune fille, elle devait l'épouser pensait Clotilde. " p 177           

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 Vivre à Madère - 1953 Vivre à Madère est certainement le plus accompli, le plus insaisissable de ces trois romans (Romanesques, Chimériques, ...) dont la parenté réside dans ce narrateur anonyme qui prend souvent la voix de l'auteur sans qu'on puisse dire jusqu'à quel moment ou en quel profondeur. C'est bien le reflet des gens et des choses qui est rendu ici et le reflet de l'auteur/narrateur en leurs yeux ou leurs mots. Le thème roman/autobiographie est, on le sait, inépuisable, ici, Jacques Chardonne parvient à une sorte de renversement, il nous livre une sorte de biographie dans laquelle on traquerait le roman. Le thème principal de l'œuvre de Chardonne, soi et l'autre, essentiellement dans le couple, se retrouve ici comme dans le reste de l'œuvre mais dilué, épars au fil des rencontres qui ne sont rapportées comme par hasard, seulement "comme", car rien de plus construit que cette flânerie, que ce hasard, une construction qui affecte presque l'informe. Ce narrateur qui prend de plus en plus de place de Romanesques à Vivre à Madère en passant par Chimériques, est-il l'auteur? L'auteur nous a répondu dans la très courte préface à l'édition des trois romans dans les oeuvres complètes : " je n'en suis pas certain", mais il reconnaît qu'il "l'a bien nourri". " L'art est le suprême abri " nous dit Chardonne, peut-être est-il aussi un masque !

C'est un privilège bien rare, et qui ne tient ni à la fortune, ni au rang, que d'être à l'aise dans la vie. Cela suppose une certaine tranquillité avec soi-même. " p 339 " Un artiste qui a fait de l'art sa religion, sait très bien que l'injustice règne dans le monde des lettres et que personne n'est à sa place ; il n'attend d'aucune expiation pour les méchants auteurs, aucun salut pour les meilleurs. Cela admis, il peut s'accommoder de tout sur terre. " p 342 " Ces fontaines brûlantes et brèves, leur courbe prévue d'exaltation montante, puis de refroidissement, je n'aurais rien connu d'autre dans ma vie, sinon le soupçon qu'il existe des sentiments d'une autre sorte, qui ont vraiment des racines dans le cœur, mais qui comportent de grands risques et veulent tout leur homme. " p 358 " Aujourd'hui une bonne part de ma vie disparaît dans le sommeil, le reste est vite dissipé, la suite des jours prend une allure inquiétante, tout le monde, autour de moi, vieillit rapidement ; c'est à peine si je peux considérer une chose future, elle est tout de suite dépassée. " p 360 " ... le voici dans le monde de l'abstrait qui est celui de la vieillesse ; il est réduit à la pensée. " p 381 " ... je n'ai vu que chez Drieu, le silencieux, cette façon de s'exprimer en mots éteints, presque insaisissables et qui vous transperçaient par je ne sais quelle vertu aigüe, quel poids dans l'indéterminé. " p 413 " - Une vie, cela ne peut se raconter. " p 414 " Vous êtes un homme plein de passion et de désordre qui ne parle que raison ... Vous me faites peur. " p 415 " Si un écrivain a du style, ce qu'il dit n'a aucune importance. On le lira toujours avec plaisir. " p 421                                                     Retour Haut de Page ou Bibliographie

 

 Correspondance avec Paul Morand 1 : 1949 - 1960

On me pardonnera je l'espère les redites dans ces commentaires. J'ai donné une impression globale après lecture de plus de 150 lettres. J'ajoute des commentaires particuliers au fur et à mesure de ma progression dans une lecture lente parce qu'elle se fait en parallèle avec d'autres.

Voilà une correspondance qui laisse un ensemble curieux d'impressions et dont le contenu est loin d'être toujours au niveau du style. Les deux hommes savent écrire et sur ce point, il faut leur rendre ce qui est, les écritures de cette correspondance sont agréables. En ce qui concerne Paul Morand, même problème que dans son œuvre : les paroles ne sont pas au niveau de la musique, façon de dire que, derrière ce beau style, il n'y a pas grand chose, Morand, c'est le drame des écrivains très doués qui, au mieux, n'ont pas grand chose à dire. En ce qui concerne Chardonne, il n'en est pas de même, il a hélas des choses à dire ! Chardonne est plus prudent que Morand dont les idées sont également plus marquées et l'aveuglent en le maintenant dans des haines rancies. Son antisémitisme stupide, obsessionnel est insupportable et lui sert semble-t-il de religion. Il qualifie ainsi Bernard Franck de "merde juive". Un cancer dit Chardonne car Morand s'adresse à quelqu'un qui non seulement n'est pas antisémite, mais supporte mal ceci, les divers avertissements de son correspondant, ne calment pas Morand. Quand Chardonne demande à Morand, pourquoi lire Camus ou Green, c'est seulement un mauvais goût littéraire, après tout personne n'est tenu d'aimer un écrivain ! Green, Camus, sont peut-être bien trop loin de lui pour qu'il puisse les reconnaître. Morand n'est jamais pris au dépourvu, il a toujours en réserve quelque bassesse, écrivant d'un ancien déporté : "Il a été à Buchenwald, mais il n'y a pas appris la concentration." Tout cela parfaitement odieux et profondément stupide. Chardonne préférait Nimier à Camus et Green, toutes les perversions littéraires existent, la postérité a rendu aux uns et aux autres ce qu'ils méritaient et Nimier est bien justement oublié, d'ailleurs, en certains passages, Chardonne revient sur ses illusions. Le dialogue entre ces deux hommes, Chardonne et Morand sent assez le rancis, ils ressassent leurs douleurs de pétainistes contrariés, médisent de leurs ennemis vainqueurs, prédisent des catastrophes et l'invasion du communisme, grande obsession de ces bourgeois, bref, ils prennent en privé une petite revanche sans conséquence médiocre et assez mesquine, persuadés qu'ils sont que l'histoire leur donnera raison ! Morand, ancien diplomate, a parfois des visions justes de l'avenir ou du présent, mais d'autres fois il fait preuve d'un aveuglement assez surprenant. Il est évident que ces deux là n'avaient pas la grandeur d'âme nécessaire à la reconnaissance des erreurs. Morand reste égal à lui même, Chardonne n'en sort pas toujours grandi. Il est un maître laudateur et rien n'est trop beau pour encenser son correspondant, on a l'impression de lire un Coran ou Morand serait le Dieu invoqué à chaque ligne ! Même si cela n'est pas aussi emmerdant que le Coran - parce que plus discret quand même - cela lasse ! La lecture reste cependant globalement agréable, sauf passages glauques qui la polluent, - le ronronnement des compliments chardonnesques pouvant être oublié au profit d'autres choses. Ils n'ont ni l'un ni l'autre le doute que beaucoup de grands écrivains nourrissent sur leurs œuvres, s'ils doutent c'est seulement sur l'avenir de la littérature ! A la mort de Chardonne, Morand continua ce dialogue sous forme de monologue, dans un journal qu'il qualifia "d'inutile" avec une clairvoyance qui ne lui était pas coutumière. Cette suite solitaire à une correspondance, pourrait être assez significative de ce qu'était pour lui le dialogue avec Chardonne : un monologue déversé dans une oreille complaisante et Chardonne le savait qui lui écrivait qu'il fallait publier ses lettres (celles de Morand) sans les siennes - quel tristesse cela aurait été ! On ne peut dire que Chardonne mène également un soliloque, manifestement, il dialogue et tentant parfois de conforter ses opinions battues en brèche par les événements. Une grande œuvre ? - comme ces deux épistoliers semblent le penser ? - pour Morand, non, également pas pour Chardonne qui est à cent lieues au-dessus de cette correspondance dans son œuvre romanesque ! Un témoignage pourtant sur cette mouvance pétainiste dans l'après guerre et sur la survie de ses opinions délétères, souvent méprisantes pour les "petits" les Juifs et d'autres !

Chardonne fait beaucoup de compliments à Morand qui les accepte, il ne doute de rien, quand il lui dit et répète qu'il est intelligent, il le flatte, en a-t-il conscience ou le croit-il vraiment ? Il y a des enchainements à la lecture qui sont mortels pour Morand. Ainsi, il écrit le 23 octobre 1957 : " Il est tout naturel qu'un prix donné par l'inventeur de la dynamite aille aux manieurs de plastic. " C'est Camus qui est visé. Quand on lit à la suite la lettre de Chardonne de même date, on est impressionné par la différence d'intelligence entre les deux correspondants ! Même si Chardonne fut souvent un idiot politiquement, il le laisse parfois entendre lui-même, il demeure plus clairvoyant que Morand. Quand il écrit que la France a fait Hitler, il n'a pas tort, quand il parle des lourdes responsabilités de la France dans le conflit européen de 1870 à 1945, il a encore raison. Reste à savoir si ce conflit était inévitable sauf à laisser l'Europe devenir allemande, mais là, on entre dans ce qui é été le moteur de l'histoire européenne : la lutte contre la menace de domination du plus puissant de ses composants. Le paradoxe étant qu'après avoir perdu la domination du monde - elle l'aurait perdu de toutes façons un jour ou l'autre -, par ses combats, l'Europe se ruine, aujourd'hui par son unité bâclée. Ensuite, Chardonne évoque la question de l'art dans la littérature, " l'art pour l'art, " on peut en rire mais c'est là un débat qui a agité et qui pourrait encore agiter un jour la coterie littéraire. Personnellement, j'aurais tendance à en penser ce qu'en pensait Boylesve : l'art se nourrit de la vie, l'art pour l'art est donc une stupidité de dilettante.

Chardonne donne l'explication, fort simple, de sa "collaboration" et du Ciel de Nieflheim : il préfère l'Allemagne nazie à l'URSS communiste et pense qu'il y a eu deux Hitler, celui d'avant la folie exterminatrice et l'autre. Comme tous ceux qui ont fait le même choix, il manque deux étapes : il n'y a pas eu deux Hitler, l'exterminateur était là dès avant l'arrivée au pouvoir et Hitler, c'était la guerre inévitable, c'est lui qui donnera à l'URSS l'occasion de s'étendre. Les deux régimes étaient détestables, mais l'ours russe était au cœur du régime soviétique, il ne fallait pas le réveiller comme Hitler l'a fait. Pour le reste Chardonne ne le dit pas, mais comme Morand, il est un bourgeois et le fascisme est la force de leur classe comme le communisme est celle du prolétariat, entre les deux guerres c'est ainsi que pensaient les intellectuels, Drieu à l'honnêteté de dire qu'entre les deux, fascisme et communisme il ne fait qu'un choix de classe, celui de la sienne. Chardonne ne partage pas l'antisémitisme forcené de Morand, il lui arrive même de le lui reprocher.

Écrire, c'est être libre. C'est être roi. Un roi n'a pas de métier. " Lettre du 8 juillet 1957, page 264. Gallimard, qui publie cette correspondance, devrait reprendre cette phrase en tête des factures des " ateliers d'écriture " qui sont le dernier " produit " de la marque ! Et les leçons ne sont pas données par Camus, Gide ou Chardonne ! Il s'en faut de beaucoup ! Chardonne écrit encore : " Mais j'apprends qu'il y a un sujet : le métier littéraire. Cela ne me dit rien. C'est un métier que l'on ne connaissait pas à notre époque bourgeoise. Un métier pour la plèbe. " On passera sur le mépris pour la plèbe, Morand et Chardonne avaient une haute idée, très pétainiste, de leur situation sociale ! Que des crétins puissent penser, aujourd'hui, qu'ils vont devenir écrivains en fréquentant des " ateliers d'écriture " n'est pas bien grave, par contre, enseigner dans ces ateliers est beaucoup plus révélateur et pour la plupart des " écrivains " qui s'adonnent à ce commerce c'est là certainement une sorte d'explication de ce qu'ils appellent leurs œuvres !

Il y a des écrits, courts, lapidaires, privés ou publics, qui jugent un homme. En ce qui concerne Paul Morand : " Plus loin, on tombe sur d'immenses monuments déchirant le ciel, avec dallage de marbre, victoires laurées, rampes d'acier, etc ... et une demi-douzaine de noms d'Arméniens morts d'un rhume de cerveau ; le tout surmonté d'une croix de Lorraine de 6 mètres de haut : c'est 1944. " (Lettre du 18 avril 1957, n° 170, page 229. On n'en voudra pas à Morand de cette ignominie, cela vient d'un crétin qui n'a pas grand chose à dire, qui ne s'est jamais battu pour des idées - les siennes ne valaient d'ailleurs pas un combat - et qui n'a même pas le respect de ses ennemis.

Une des grandes affaires de cette correspondance est la non-élection de Morand à l'Académie française. L'opposition de de Gaulle est assez amusante venant d'un homme qui s'entoura volontiers de collaborateurs, tels Papon ou Couve de Murville, homme de paille du sinistre Jean Jardin, dont il fit des ministres ou qui favorisa la montée dans la presse d'un patron ancien pillard de biens juifs ! De Gaulle, n'était soucieux de respectabilité que pour la frime, quand son intérêt n'était pas en cause, il s'entourait pour le reste volontiers de gens qu'il savait tenus par leur passé. Peu glorieux !

Un mot pour le responsable de l'édition : Boylesve n'était pas de l'Institut, mais de l'Académie !                   

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DOCUMENTS

 La recension de l'Epithalame par Henri de Régnier dans le Figaro du 23 janvier 1922

Je me reprocherais de ne pas leur signaler l’Epithalame, de M. Jacques Chardonne, que le vote de l'Académie des Dix porta presque à égalité avec le Batouala de M. Maran. Ce résultat fait que l'on a déjà beaucoup écrit sur le roman de M. Jacques Chardonne et je viens bien tard pour dire qu'il mérite pleinement le succès que lui ont valu ses remarquables qualités. M. Chardonne dont l'Epithalame est, je crois bien, le début dans les lettres, s'est trouvé du coup mis au rang des meilleurs romanciers actuels. Il est vrai que l'œuvre qu'il nous a donnée est considérable et mérite l'attention aussi bien par sa dimension que par sa valeur. L'Epithalame de M. Jacques Chardonne comporte, en effet, deux volumes, l'un de 267, l'autre de 363 pages. C'est à peu près la longueur de l’Education sentimentale, de Flaubert, ou, pour prendre un exemple plus récent, du Démon de midi, de M. Paul Bourget, ou de la Valentine Pacquault, de M. Gaston Chérau. Ces 630 pages, M. Chardonne ne les emploie pas à nous conter des aventures romanesques ou des événements dramatiques. Il n'y a pas construit et veloppé une action, il n'y a agencé ni intrigues ni péripéties, il ne s'y est pas étendu en analyses minutieuses ou en considérations philosophiques. Il ne s'y est pas plu à des peintures de milieux ou à des tableaux de mœurs. Le décor et le pittoresque n'y tiennent qu'une place minime. L'Epithalame de M. Chardonne n'est ni un roman de « crise psychologique » comme le Démon de midi de M. Bourget, ni une vaste biographie réaliste comme la Valentine Pacquault de M. Chérau. Comparée à l’Epithalame de M. Chardonne, l’Education sentimentale de Flaubert est un roman mouvementé. Celui de M. Chardonne est plutôt un roman en mouvement. Je veux dire par qu'il ne parait pas composé d'avance, mais qu'il se fait à mesure sous nos yeux, par menus apports de personnages, de sentiments, de situations, scène par scène, page par page, minute par minute. Tout s'y succède et s'y enchaîne sans que la volonté directrice de l'auteur y apparaisse et selon les seuls caprices et la seule logique de la vie.
Et néanmoins, malgré ce morcellement, ce discontinu, cet impressionnisme, les 630 pages du roman de M. Chardonne, se lisent avec un intérêt, qui a bien, parfois, quelque ralentissement, mais qui ne permet pas à notre attention de fléchir longtemps. Parfois même, si nous éprouvons un peu de lassitude et un peu d'agacement, nous passons outre et nous dépasserions même la limite que s'est imposée M. Chardonne, car, à vrai dire, son roman ne finit pas et pourrait continuer encore pendant 630 autres pages, et je crois que si M. Chardonne avait voulu, nous ne l'eussions pas abandonné en route. Cet attachement il nous oblige a une raison et il semble la voir dans l'art très particulier de M. Chardonne à nous faire pénétrer dans l'intimité de, ses personnages, participer à leurs moindres gestes, à leurs plus secrètes pensées sans jamais avoir l'air de nous les indiquer et de nous en faire la démonstration. L'art de M. Chardonne est d'une discrétion remarquable et d'une objectivité complète M. Chardonne nous présente ses personnages dans la plus exacte réalité physique et morale, sans jamais les commenter et les interpréter. Il se contente de les laisser vivre devant nous, sans chercher à les faire vivre. On les regarde, on les écoute et on ne sent pas derrière soi quelqu'un qui les connaisse mieux que nous.

Notez, qu'ils n'ont rien d'exceptionnel et qu'il ne leur arrive rien qui les oblige à l'être, ces personnages un jeune homme, Albert Pacaries a remarqué une jeune fille, Berthe Degouy. Tous deux sont de bonne famille bourgeoise. Peu à peu, ils prennent l'un pour l'autre une certaine sympathie et ressentent l'un de l'autre une certaine curiosité qui, chez Berthe, devient de l'amour et, chez André, semble demeurer plus indécise jusqu'au jour où, brusquement, il se cide à demander Berthe en mariage et l'épouse mais assez vite le mariage se tourne en ménage, les caractères s'affirment, les malentendus naissent, se dissipent, recommencent, aboutissent de part et d'autre à une sorte de désaffection qui va jusqu'à la mésentente et à l'animosité. Alors interviennent les « scènes » avec leurs motifs puérils ou rieux, leur subtile ou violente mauvaise foi, leur sournoiserie ou leur éclat, leurs bouderies et leurs raccommodements. Mais malgré les dissentiments et les injustices réciproques, malgré les torts mutuels, malgré tout, le « ménage » d'Albert et de Berthe durera parce qu'il est aussi un mariage, c'est-à-dire l'accord profond et inconscient de deux êtres unis par des liens que fortifie l'habitude, par des liens qui subsistent sous les faits et les sentiments, plus solides d'être secrets et involontaires, et que ne rompront ni les paroles ni les actes. C'est du moins ce que me paraît signifier le roman de M. Jacques Chardonne, mais il n'est pas besoin de chercher à y voir ce qu'il m'y semble discerner pour y prendre le singulier plaisir qu'il offre et que j'ai, pour ma part, fort goûté. Je l'ai trouvé dans le spectacle, minutieux et presque microscopique de ces deux vies qui vont l'une vers l'autre souffrent l'une par l'autre et vivent l'une de l'autre et dont M. Chardonne nous laisse voir avec une étonnante impartialité les sympathies, les désaccords, les reprises, l'entourage, les relations, les situations psychologiques, familiales, sociales, ces deux vies qui forment une existence d'une honorable médiocrité et qui sont de la vie prise sur le fait, en instantanés de corps et d'âmes, en ses attitudes et ses gestes, en ses paroles et en ses silences. Je connais peu de romans plus strictement réalistes que l’Epithalame de M. Jacques Chardonne.                  

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