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RAMON FERNANDEZ

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 Le Pari (1932)

Le Pari est un roman bien meilleur que Dominique Fernandez le pense. Ce n’est pas parce que Ramon y dit ses personnages dans leurs hésitations, leurs incohérences, leurs errements, ne cachant rien, ne laissant rien sous entendre, qu’il faut lui appliquer à charge cette règle de Stendhal : suggérer. Le roman est la forme littéraire qui admet le moins de règles et la réussite ne saurait être mesurée au respect de l’une ou l’autre d’entre elles. Comme d’autres œuvres de la même époque, Aragon, Drieu, le Pari nous promène dans un milieu oisif où les personnages traînent leur inutilité de fantaisie en fantaisie, les dites fantaisies étant censées donner un sens à leur vie. Les auteurs expliquent leurs personnages parce que, peut-être, ils se cherchent en eux ou, au moins, tentent de s’expliquer. Le personnage principal, Robert Pourcieux, doit certainement beaucoup à l’auteur qui a eu l’habileté de ne pas en faire un littérateur. Cela le laisse plus dépouillé que le modèle, plus fragile certainement. C’est le personnage grosses voitures et voitures de courses qui nous est montré. Peu d’empressement vers les femmes, seules deux vont compter sans que l’on puisse conclure à la grande passion. Robert n’a pas fait la guerre, son père, colonel, héros, le lui a déconseillé. Dominique Fernandez nous a dit que pour Ramon, c’est la mère qui a donné ce conseil (ordre ?). Le courage, l’action, l’obéissance et la discipline viennent hanter Robert. Quel courage ? Celui de se battre en duel, jugé peu adapté à l’époque par ses amis anciens combattants, celui de courir sur une voiture suicide ? On peut relever de nombreuses remarques qui font immanquablement penser au destin de l’auteur. Il n’y a là rien d’étonnant, cela prouve simplement que ce destin n’était pas si « invraisemblable » qu’on pourrait le croire et était commandé par ce qu’il était. Les idées de gauche alors ? Elles devaient appartenir à l’écrivain, au critique, qui est absent du roman.

Il y a beaucoup de bons moments dans ce roman. Le personnage féminin de Pauline est très attachant et témoigne d’une grande sensibilité de l’auteur. Certains passages annoncent en sourdine Sartre d’autres Malraux, le parallèle avec Drieu est inévitable et l’on sait que Proust est déjà reconnu. Le roman n’est pas politique, nous sommes au début des années trente, la pression commence seulement à se faire sentir.

« … sa manière de suggérer à Boucard, presque imperceptiblement, qu’il venait d’un autre monde, d’un monde où l’on risquait sa vie, où la pensée était au service de l’aventure. »  p 11 Dès les premières pages, nous trouvons la préoccupation du risque, de la vie à mettre enjeu pour donner du prix à la vie. Le virage manqué et la guerre manquée elle aussi. «  … il tremblait de fureur … Il aurait accepté avec joie la mort, si la mort lui eut permis de surmonter une faiblesse dont il n’osait prononcer le nom. » p 12

L’homosexualité qui apparaît dans la sensibilité de l’auteur : « Une femme s’éveille dans l’âme de tout homme qui en admire un autre pour des qualités que lui-même ne possède point. » p 16

« Chez lui l’affirmation de soi n’était qu’une forme violente du doute sur soi-même. » p 35

Toute cette situation de course non faite rappelle la guerre de 14-18 regardée en spectateur, - le mot, poilu, est même glissé quelque part. (p 34)

« Lorsque nous décidons d’accomplir une action que nous jugeons importante, il est dur de ne pouvoir compter que sur les amis que nous estimons le moins. » p 35

« Le plus minuscule succès le comblait de joie ; bientôt après l’amertume d’avoir cédé à une satisfaction disproportionnée le comblait de fureur. » p 35-36

De Pourcieux n’a pas fait la guerre : « … il restait un soldat, un soldat honteux. Tout son être, malgré lui, souhaitait le service dangereux d’une grande cause ; la vie pour lui ne valait d’être vécue que dans le voisinage de la mort. » p 39 Le voisinage de la mort n’est pas seulement un désir de se mettre en danger pour se rattraper, c’est le désir de mourir pour se punir.

«  Les hommes de sa trempe … Ils n’ignorent pas l’ivresse de la puissance, mais sont plus heureux d’avoir à montrer aux autres comment bien faire que d’être les seuls à avoir bien fait » p 39 « Ils aiment à faire abnégation de leur volonté … Ils aiment l’obéissance parce qu’elle consacre l’orgueilleuse abdication de leur orgueil, et parce qu’elle les absout de certains actes sombres qu’ils ne peuvent éviter de commettre en son nom. » id « Cette abdication de soi était son plus grand espoir  …» p 40 « Il ne s’était jamais préoccupé de mettre de l’ordre en lui-même sachant que la discipline se chargerait de ce soin. » p 40 C’est là la vision d’un homme qui peut abdiquer une partie de lui pour s’abandonner, il y a dans ces phrases qui ressemblent à des maximes une certaine lâcheté acceptée qui  ne peut choquer étant le lot d’un personnage mais qui expliquerait parfaitement l’attitude de l’auteur quelques années plus tard.

« Les fascistes m’indignent et les bolcheviks m’exaspèrent. Je m’accorde mieux de l’indignation que de l’exaspération. » p 41 Là aussi … prophétique ou tout simplement réalité psychologique qui entraînera des choix ?

Intéressante constatation sur ses camarades et non amis : « Ils niaient tout ce qui nageait en plein mystère. Leur enthousiasme était perfide : c’était un capital de rancœur qu’ils dépensaient largement dès qu’ils étaient déçus. Des amis, non : des chercheurs d’or déçus qui interprètent comme une trahison le moindre signe de richesse de leurs compagnons. » pp 41-42 Avant, même paragraphe : « … cette curieuse génération de l’après-guerre qui réclame le pouvoir de se refuser au pouvoir et qui, au nom d’une liberté inconditionnelle, prépare de nouvelles servitudes. » p 41 On refuse les obligations issues d’un conformisme qui a tué, beaucoup tué, nationalisme par exemple pour se réfugier dans la liberté de choisir la contestation fasciste ou communiste, bien plus grande servitude, ce qu’on ne découvrira qu’après coup, pour l’heure, c’est l’obéissance choisie qui soulage de tout et permet tout.

« C’est notre esprit qui introduit l’ordre et la dignité dans un festin. Quand la déception nous fait repousser l’idée de dignité avec horreur, l’orgueil nous oblige à estimer les pires complaisances. » p 42

« On peut se croire un grand esprit sans en être un le moins du monde ; il est impossible de se croire un homme qui saute quatre mètres à la perche si on ne les saute pas. » pp 42-43 Dont il découlerait qu’il faut insister sur l’action ! Plutôt paradoxal !

« Le regret de la vie militaire lui avait offert jusque là un secret refuge où il pouvait se détendre et se refaire quand la réalité le décourageait par trop. Maintenant le soupçon qu’il n’aurait peut-être pas pu être un soldat héroïque le privait de son dernier secours. » p 43

La description de Robert de Pourcieux est longue et intense, en action, elle ne peut manquer à de multiples reprises de renvoyer à l’auteur, à son avenir, s’il est conscient de ses propres faiblesses en les offrant à son personnage, quelle lucidité ! D’ailleurs tout au long du roman on reviendra sur le personnage en action et ce sera une façon d’approfondit son caractère et son tempérament.  Mais quelle priorité donnée aux sentiments sur l’intelligence que la connaissance de soi ne renforce pas, chez un intellectuel ! On imagine souvent en lisant ce roman, le fils, Dominique, décryptant ces pages, s’interrogeant sur la signification à leur donner quant à son père, hésitant à identifier l’auteur à certaines caractéristiques de son personnage …

« Nous ne pouvons, aujourd’hui, défendre nos idées qu’en les réalisant le plus sérieusement possible. » pp 62-63

Le personnage de Mlle Bille est particulièrement réussi et préside à des scènes d’ambiance certainement assez proches du réel et pleines d’humour. (pp 79 à 86 par exemple)

« Elle avait renoncé à comprendre son état, et même à s’étonner de sa surprenante capacité de souffrir de rien. Elle l’acceptait comme une plaisanterie sinistre … Est6ce que c’était cette maladie qu’on guérit par le suicide ? »

Il y a dans ce roman des formules heureuses qui pourraient être isolées sous forme de maximes à coté de formulation parfois un peu lourdes.

« Les choses dont nous souffrons nous rendent l’immense service de nous masquer l’ennemi intime qui dirige à notre insu les attaques du dehors. » p 87

Quel est le modèle pourrait-on encore se demander après avoir lu la biographie de Dominique Fernandez :

« Pauline puisait dans les immenses réserves des êtres jeunes la force de courir d’un trait jusqu’au désespoir. » p 87 « … mais Pauline, par jeunesse de cœur, par manque d’habitude, ne savait point se haïr. » id

C’est bien entendu la biographie du fils qui amène une lecture si minutieuse et qui ramène à des personnes réelles rencontrées par lui.

« … lorsque, renonçant aux difficultés de l’orgueil, nous sommes obligés de constater que la vie ne nous réserve même pas le peu qui la rendait au moins supportable. » p 90

Le compteur américain … pp 112-113

La guerre, R.F. ne l’a pas faite, il l’évoque cependant sans illusions par son personnage : « Mon père a reconnu, à la fin de sa vie, la vanité de ses dieux … Il a fallu cette guerre, qui a foutu par terre toutes les croyances. … Voilà, oui, on ne sait plus ce qui est noble, ce qui ne l’est pas. Nous n’avons plus de mots de passe. » p 120

Pourcieux rencontre une jeune fille, une intellectuelle – qui n’étudie pas beaucoup -, il lui ment et découvre les nouveaux horizons que lui ouvre le mensonge qu’il ne pratiquait guère. « … le mensonge lui découvrait pour la première fois des horizons infinis. Devant cette charmante fille il se sentait frais, nouveau, tout frémissant de promesses … Devant-elle il s’inventait joyeusement lui-même. » p 122 C’est elle qui met du poids dans sa vie. « Elle avait une façon de le prendre au sérieux qui le contraignait au sérieux lui-même. » id

Pp 169-172 La révolution, le communisme …

Pourcieux dit : « Tu ne sais pas ce que je donnerais pour me sentir le droit d’obéir. » p 172

R.F. n’a pas fait de son héros un poète ou un écrivain mais il note : «Mais dès qu’une femme seule, à Paris, attend dans un salon devant un samovar et quatre petits fours, c’est d’abord des poètes qu’elle voit venir. » p 178

« Si seulement j’avais le génie de me distraire. Voilà, ceci est clair, au moins définitif : je n’aime pas m’amuser, même là ma fortune ne me sert à rien … Mais bon sang de bon sang, il n’y a donc plus rien à faire en ce monde ? » p 206 On notera le plus rien qui suppose qu’il y a eu … quand ? En un temps où il était temps de se battre ou avant ce temps ?

Les personnages du Pari se cherchent et, pire, savent qu’ils ne pourront jamais se satisfaire d’eux. Peut-on dans ce cas reprocher à l’auteur de trop les cerner, de ne rien laisser dans l’ombre. Il ne faut pas tout dire, il faut suggérer, certes, cela semble une bonne règle, mais est-elle universelle ? Convient-elle à ces personnages complexes et flous qui sont dans ce qu’ils ne seront jamais ? Robert Pourcieux reste moins complexe que son créateur car il n’est pas, lui, un brillant intellectuel, un des meilleurs critiques de sa génération. Beaucoup d’hommes ne sont que ce qu’ils sont pour les autres, pour eux, ils sont ce qu’ils ne sont pas, qu’ils ne seront jamais, une part d’eux insaisissable qui ne relève pas du rêve mais d’un intense invisible.

« Tout n’était pas perdu, peut-être, si la jeunesse et la santé faisaient encore valoir leurs droits. » p 208 Obsession de l’époque : la jeunesse et la santé, une jeunesse sportive et saine, il est vrai que ceux qui portèrent ce rêve virent la leur de jeunesse exterminée dans la boue des tranchées.

« M. Brion se rendait compte qu’un duc est fort heureux sous un régime qui l’admire sans lui demander plus qu’aux autres. » p 296-297

« Voilà des années que je ne pense à rien, que je ne pense qu’à moi, ce qui revient au même ! J’en ai assez de faire mon salut ! On fait toujours son salut aux dépens des autres quand on ne commence pas par les autres sans penser à soi. Dire que je croyais cultiver mon héroïsme … Quel salaud tout de même, j’étais devenu … » pp 324-325

Quand il s’explique devant Pauline, Pourcieux dit : « J’ai l’impression d’avoir suivi depuis la guerre, une fausse piste, ou plutôt d’avoir camouflé une route. J’avais pris en horreur les bons sentiments. » la réponse de Pauline est : « Maintenant je sais que chacun peut devenir n’importe quoi. C’est peut-être que j’ai découvert le peu que je vaux, et que j’ai la passion de l’espoir. » p 327

 

 Les Violents (1935)

Ce second roman de Ramon Fernandez qui reprend les personnages principaux du premier, Le Pari, semble mieux construit et est plus aéré, plus concis. Cependant on suit plus difficilement la partie politique et patronale - sociale - que la partie intime. Ramon est sans aucun doute un observateur attentif et fin des relations conjugales, on sent dans cette partie du livre une authenticité solide. La relation de Pauline et de Riquet, le beau communiste, est à la fois assez peu crédible en sa partie sociale et très forte en sa partie intime : Pauline se donne sans en avoir vraiment envie, le dégoût qui monte en elle durant le rapport en raison des odeurs donne à la scène remarquablement traitée même si elle passa à l'époque pour osée, une force indéniable, on ne peut oublier un instant que Pauline en cet acte subit qu'elle a provoqué est en réalité en face de Robert, son mari. Si l'on pouvait évoquer Drieu en bien des pages du Pari, c'est ici à Vailland, un Vailland que Dominique Fernandez ne semble pas apprécier beaucoup - dommage pour lui -, que l'on songe dans Les Violents. Le pari est un livre d'analyse qui nous livre deux personnages rendus cohérents par les nuances, les longues considérations de l'auteur. Ce qu'on a reproché à ce premier roman, manque parfois ici à mon sens. Ramon Fernandez a plus tiré ce roman vers le "chef d'œuvre", c'est à dire vers un standard du genre.

Ramené à l'auteur ce livre est une œuvre pessimiste qui ne marque pas seulement cet aspect par la mort brutale du héros. Réalisation personnelle, la participation ouvrière bute sur le grand capitaliste qui n'en veut pas et sur le communiste qu'elle dérange en faussant la bataille, en menaçant de prendre des arguments contre l'ennemi de classe. Dans les faits, on le sait, l'idée de participation n'ira jamais bien loin et masquera trop à partir de de Gaulle II, l'absence des salariés dans la vie de l'entreprise livrée aux spéculateurs et aux rapaces les plus cupides.

Mon sentiment après la lecture des deux romans de Ramon Fernandez, on oubliera charitablement la longue nouvelle Surprises, est que l'auteur n'est pas trop doué pour ce genre, il oscille entre roman biographique, réussi et fort, et roman d'observation assez peu crédible et trop léger. Au contraire de Drieu qui réussira très bien par le biais du roman biographique, à donner une vision, pessimiste, de son époque, tout en décrivant remarquablement son mal de vivre, Ramon Fernandez qui ne choisit pas, encore moins dans les Violents que dans le Pari, ne parvient ni à l'un ni à l'autre, avançant trop masqué dans le domaine de l'intime - révélé par Dominique - et étant trop peu engagé dans celui de l'action sauf en ce qui concerne l'automobile qui, il est vrai, est pour lui une expérience vécue à laquelle il doit de très bonnes pages. Peut-être devons-nous regretter qu'il n'ait eu le temps et le goût de persévérer dans la voie romanesque où Drieu avait mis un certain temps à se trouver.

" On n'est pas " un autre homme ", on est un homme distrait de soi ..." p 18 Instant d'interaction entre Pauline et Robert, mari et femme, quand l'un attend de l'autre un malaise passager.

Le mal de la vie, songeait-il, vient de la volonté de vivre, car chacun ne peut vivre qu'à certaines conditions, et ces conditions heurtant celles des autres, le torturent. On devrait se persuader qu'on vit par rabiot, par hasard. " p 48 Ce qui est intéressant ici, c'est la déduction.

... quand on est détaché de tout, c'est le moment de juger chacun, les autres avec soi-même. La justice est un des attributs de la mort. " p 50

Un des convives au repas de Varville dit : " Il n'y a pas " ni droite, ni gauche ", il n'y a que la droite, que l'envie d'y être. Il suffit de faire comprendre cela à l'ouvrier. La démocratie seulement peut accomplir cette tâche. " p 98

Les gens sont ce qu'ils disent, et puis le contraire. Menteurs comme ils vivent, bien sûr. " S'ils me connaissaient sous mon vrai jour se dit Riquet, il me traiteraient de mouton, d'indicateur, de provocateur et tout le bazar, et ils sentiraient des ailes leur pousser. Les veaux ! Traîtres autant que moi, sans le savoir. Piscardi appelle anarchie son besoin de bouquiner sans s'en faire. Rosinfosse, qui se croit communiste, est un brave père de famille à l'ancienne qui veut empêcher son fils d'aller à la guerre, un point c'est tout. Il piétine dans sa section comme son père dans son champ. Son plaisir à gueuler ensemble , c'est le souvenir de la classe et des premiers jours de Verdun. Gaston est tout fier d'avoir épousé une demoiselle qui fait mal l'amour, et Claire, en l'épousant, s'est vengée du mépris de ses copines du couvent. " Ah ! si seulement chacun avait son mouchard, qui vienne lui refiler à l'oreille ce qui se passe au fond de ses entrailles ..." p 112 Cette page, réflexion assez désabusée de Riquet, me semble très bien venue.

" Car Robert était un fantôme, condamné à vouloir imaginairement ce que d'autres avaient voulu réellement et efficacement dans des temps plus anciens ... chez lui la volonté d'être remplaçait l'existence réelle. ... Il retrouvait cette délectation morose, cette jouissance du néant ..." pp 171 - 172

Il y a un jeu de la maladresse ou du malentendu, du contretemps, dans le couple qui est bien rendu : " L'amour n'est-ce pas l'illusion têtue d'avoir choisie ?" p 227

" Moi, je ne puis songer qu'à Robert. Pauvre ami, qui a voulu jouer au grand monsieur responsable. C'était autrement chic vous l'avouerez, que la lâcheté de ses petits camarades qui prennent leurs ornières pour des lits de roses. Lui, il s'est lancé, il s'est risqué, surtout, il s'est engagé. ...la mort de Robert n'aura servi à rien. " pp 252 - 253 Madame Jaulnies, l'ancienne maîtresse, qui vient du Pari et qui a bénéficié d'un retour, tire la conclusion. Quel plaidoyer anticipé pour l'engagement malheureux à venir de l'auteur ! " La mort de Robert n'aura servi à rien " comme, plus tard, celle de Ramon.

 Philippe Sauveur (2012)

Ce roman était le roman perdu de Ramon Fernandez. Dominique, son fils en a révélé l'épopée dans la biographie de son père. Philippe Sauveur est un roman inachevé dont sont publiés trois états partiels. Difficile de juger une telle œuvre d'un point de vue littéraire. L'écriture est serrée, mais c'est le sujet qui retient. Philippe Sauveur est homosexuel et Ramon Fernandez nous donne un aspect de l'homosexuel que nous oublions facilement aujourd'hui : le coupable, pas le coupable vis-à-vis des autres, celui qui se sent coupable, "anormal". L'époque n'était pas loin où l'Eglise catholique comme toutes les Eglises chrétiennes, traquait les homosexuels, comme elle était influente, leur situation était précaire. Les religions n'ont pas changées sur ce point, leur intolérance, leur obscurantisme et leur sectarisme est toujours aussi total, mais chez nous, en France, l'Eglise catholique n'a plus d'influence directe, son image est plutôt celle d'un foyer de pédophiles que celle d'un lieu de référence morale. Son archaïsme et sa sottise sur l'avortement, le SIDA, l'ont totalement discrédité et ses églises sont heureusement désertes. Il n'en est pas de même, hélas, de l'Islam, tout aussi sectaire, imbécile et intolérant. Dans certains pays musulmans ont assassine les homosexuels, (il est vrai qu'on y traite pas mieux les femmes), dans d'autres, on les envoie en prison, cela est lamentable et témoigne de l'archaïsme des religions, fléaux de l'humanité. Le lien entre Ramon Fernandez et Marcel Proust qui eut connaissance de ce roman, est longuement commenté dans une postface qui permet de mieux situer le contexte dans lequel l'auteur l'abandonna. Tel quel, cette œuvre demeure intéressante, fait inévitablement penser à Proust, Gide et surtout Oscar Wilde. Pour une fois, un roman mettant en scène des homosexuels m'est accessible ce qui n'est pas habituellement le cas, simplement pour des questions de sensibilité, une chose étant d'admettre l'homosexualité, une autre d'entrer dans son intimité. Remercions Dominique Fernandez de nous avoir donné cet inédit.

 

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