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GEORGES SOROS

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Acteur remarqué et remarquable des Marchés Financiers, Georges Soros, en raison d'après ce qu'il dit, de ses origines et de son histoire difficile dans sa jeunesse, autant que par sa formation philosophique, s'est hissé au rang des penseurs de notre société. Sa vision claire et avisée est de celles qui devraient aider à comprendre mieux notre monde.

 

 

Quelques leçons tirées de la crise (2010)

Critique très libre de l'ouvrage et commentaires sur les sujets traités.

 

C'est par hasard que j'ai lu ce livre, le nom de Georges Soros ne m'était bien entendu pas inconnu, mais je n'avais pour lui, tel qu'il, se présentait médiatiquement, qu'une sympathie très mesurée, son passé de spéculateur me le rendant plutôt odieux et ses positions me semblant relevées de l'imposture plus que d'un sentiment civique. Entrant dans la lecture des cinq conférences que reprend ce petit livre, je fus surpris d'y trouver presque tout ce que je pense des marchés et de nos sociétés qui se prétendent encore, à tort, démocratiques. Tout, mais conceptualisé ce qui est à la fois un point fort et un risque de faiblesse. Au fil de ma lecture j'ai relevé des objections qui sont presque toujours tombées au paragraphe suivant.

Soros illustre ce que j'ai toujours pensé : les spéculateurs, pour odieux qu'ils m'apparaissent pour des raisons morales  et parce que presque tous ceux que j'ai rencontrés se comportaient en imbéciles cupides, ne sont pas responsables du cadre dans lequel ils sévissent. S'il y a des coupables, c'est chez ceux qui ont mis ce cadre en place qu'il faut les chercher. Ceux-là sont les politiques.

Je dirais globalement que je suis tout à fait d'accord avec les diagnostiques de Georges Soros en ce qui concernent les marchés financiers. Sur les moyens de les contrôler je pense qu'il donne de très bonnes pistes dont aucunes n'est à négligée même si je suis persuadé qu'il faut aller plus loin encore et veiller à ce que le cadre évite aux autorités de tutelles de devenir un des acteurs actifs - je veux dire au même titre que les spéculateurs - pour réguler des marchés qui sont bien incapable de se réguler eux-mêmes. Le cadre des marchés financiers doit être strictement réglementé afin de limiter l'impact de la spéculation, aujourd'hui hors de proportion par rapport au réel. Quatre-vingt dix pour cent des échanges - c'est certainement encore beaucoup plus - sur les marchés sont totalement virtuels. De tels marchés, totalement déconnectés du réel, sur lesquels les acteurs principaux qui devraient être les régulateur, profitant, abusant de leurs casquettes interchangeables d'acteurs directs et d'agents à divers titres, manipulent, rackettent, taxent, sont de véritables plaies pour l'économie réelle. Les mêmes acteurs depuis des dizaines d'années, par des outils tels que les L.B.O. rançonnent et détruisent les groupes industriels.

Monsieur Georges Soros est également très intéressant quand il parle des sociétés ouvertes, entendez des démocraties, mises à mal par la manipulation et la servilité à l'opinion publique - fabriquée et tyrannique. Les Etats-Unis ne sont plus depuis longtemps une démocratie et nous avons suivi en Europe, le même chemin.

Georges Soros travaille sur des concepts qui aident à une meilleure appréhension de notre monde. Critiquables, susceptibles d'amélioration, il en est conscient et charge de cela des institutions qu'il a fondées, ces concepts me semblent être des outils intéressants tant qu'ils ne deviennent pas des systèmes fermés dans lesquels se figent une vision de la société ce qu'ils sont censés éviter dans l'esprit de l'auteur.

Je voudrais insister sur la manipulation. Soros a raison, il n'y a pas autant de réels que de manipulation, mais le monde des manipulateurs existe. Je m'y suis heurté dans ma carrière professionnelle et me suis rapidement rendu compte qu'on ne peut pas lutter, seul, contre lui. Ce monde va contre le réel et se l'approprie au prix d'un effort proportionné à la distorsion. Cette distorsion entre le monde réel et le monde des manipulateurs qui va aboutir à un monde dans lequel le résultat de la manipulation s'imbriquera au réel pour donner naissance à un nouveau réel - au début moins viable, plus coûteux en énergie humaine -, Georges Soros appelle cela la "réflexivité", va se résorber lentement ou se creuser par à coups, voire exploser. Nous vivons dans le monde des hommes soumis à leurs passions et à leurs sentiments beaucoup plus qu'à leur raison. J'ai tiré quand j'étais jeune de la lecture de Nietzsche cette idée qui n'y est peut-être pas - je ne suis pas philosophe - que le réel pouvait être violé aussi infiniment qu'on disposait de forces pour le faire. On peut construire une société sur le vide pour autant qu'on ait la force de la maintenir.

Mais la manipulation est la négation de la société ouverte. Georges Soros a tort quand il affirme qu'elle est un phénomène récent. A Athènes on la punissait sévèrement sous le nom de démagogie, ce qui ne l'empêcha pas de triompher et de ruiner la civilisation athénienne.

La manipulation est le mal des sociétés virtuelles. J'entends des sociétés dominées par les activités tertiaires et supérieures au tertiaire. En effet, dans les sociétés agricoles ou industrielles, la sanction du réel tombe vite, il pèse trop pour subir gratuitement de grandes distorsions. Les outils de mesure manquent cruellement dans le tertiaire, domaine où une seule solution tend toujours à dominer et dans lequel elle n'est pas mise en concurrence avec les autres possibles. Il n'y a pas d'outils de mesure du réel dans les sociétés virtuelles. Une des marques de l'imposture dans les sociétés virtuelles est d'ailleurs justement la mise en place d'outils de mesure. De tels outils ne font qu'accroitre les distorsions du réel et la manipulation naît et nourrit ses outils. Elle en naît pour les alimenter, elle les nourrit pour survivre dans un cercle vicié qui ne fait que s'accélérer. On a connu ce phénomène dans l'ex URSS, les concepts de mesures soviétiques ont été repris dans nos sociétés avec les mêmes résultats néfastes et pitoyables. Il y a même eu des chefs de gouvernement assez sots ou démagogues pour faire croire que l'on pouvait mesurer l'efficacité de leurs ministres avec de tels outils !

Je pense que M. Soros est un optimiste indécrottable, je ne crois pas que nos sociétés décadentes soient réformables. Je pense que la démocratie est un système vicié dans son principe. Elle suppose un peuple citoyen avisé, il n'existe pas, il n'a jamais existé. Cela ne signifie pas que ce système doive être remplacé car à la question par quel autre, il n'y a pas de réponse satisfaisante. De même la mort d'une civilisation est inéluctable, lutter contre peut prolonger la bête, provoquer des soubresauts, pas la sauver. Pour les Etats-Unis la question est : éviteront-ils le chaos vers lequel ils glissent inexorablement en caricaturant leurs principes ? Entraîneront-ils le monde dans leur chute ? La réalité issue des manipulations peut être dramatique, l'histoire récente nous l'a prouvée, le pire n'est cependant jamais certain. Les distorsions du réel peuvent être beaucoup plus graves qu'on peut l'imaginer sans que celui-ci s'effondre. Il y a seulement plus ou moins de gens qui paient la facture.

On devrait étudier ce petit livre de M. Soros dans les lycées, cela ne rendrait pas plus intelligents les élèves, mais quelques germes pourraient peut-être en naître.

La reconnaissance de la réflexivité a été sacrifiée, dans les sciences humaines et particulièrement dans l'économie, à la vaine quête de la certitude, alors que c'est justement l'incertitude que caractérise l'humain. L'économie classique est fondée sur le concept d'équilibre, qui est en contradiction radicale avec la réflexivité. " p 18 " Un seul test non concluant suffit à invalider une théorie, mais aucune quantité, si grande soit-elle, de tests concluants ne suffit à la valider. " p 27 " On a déclaré que les marchés régulaient le marché et s'autorégulaient, périodiquement les états - qui ne contrôlent et ne régulent plus rien - interviennent pour sauver les acteurs des marchés financiers, donc les marchés qui sans ces aides se révéleraient tels ,qu'ils sont : non viables. Mais tout le monde fait comme s'il y avait une coupure totale ,entre les marchés financiers et les grands acteurs de ces marchés ce qui permet de continuer à entretenir le mythe de l'efficience. " p 47

Georges Soros se trompe quand il propose que les autorités empêchent les bulles de croître. Ce n'est pas leur rôle. Il commet la même erreur que celle qu'il dénonce : il prend les états pour des acteurs des marchés, ce qu'ils ne doivent pas devenir sous peine de faillir à leur rôle. Les états n'ont pas les moyens de jouer avec les bulles financières sauf à admettre qu'ils peuvent périodiquement miser des sommes fabuleuses ou réglementer à la sauvette en risquant de pénaliser le réel. Les états doivent mettre les marchés hors d'état de nuire. Gorges Soros propose des dispositions intéressantes en ce sens. Il faut aller plus, loin et étrangler totalement, réglementairement, les actions spéculatives sur les marchés tout comme les opérations du type L.B.O dans le monde financier. Il faut nettoyer les marchés des magouilles institutionnels des grands acteurs financiers. Certaines propositions de Soros, encore une fois, vont en ce sens, elles ne sont pas suffisantes. La libéralisation des marchés a été une catastrophe, rappelons qu'en France elle a été l'œuvre de Bérégovoy, ce parjure de la gauche ouvrière. Quand Georges Soros dit que les états mesureront le bien fondé de leurs interventions à la réaction des marchés (p48), il revient tout simplement au mythe des marchés régulateur qu'il a évacué précédemment et qu'il combat. Les marchés n'indiquent rien, ne donnent aucun clignotant, ils ne se soucient pas ou peu du réel qui n'est que le support des actions spéculatives et des manœuvres financières. Ce qui me dérange dans la perspective de Georges Soros c'est le rôle dynamique qu'il veut faire jouer aux états. Leur rôle doit être en amont des crises et doit consister à ôter aux marchés les outils qui font naître ces crises. Pourquoi ne pas, par exemple, tuer les actions virtuelles, celles qui n'existent pas et n'existent jamais dans les portefeuilles des acteurs parce qu'ils achètent et vendent dans la même journée, parfois simultanément ou presque, s'insérant informatiquement (automatiquement par des ordres générés par leurs systèmes informatiques qui explorent les carnets d'ordre des clients ce qui constitue autant d'escroqueries que d'opérations) dans les processus de vente et d'achat, en taxant lourdement les profits, en supprimant les entrées dans les systèmes d'ordres, en interdisant de droit de vote et en les obligeant à suivre la majorité, les porteurs récents d'actions. Il faut supprimer ainsi que le propose Soros, certains outils mais bien plus qu'il ne l'envisage. Les options, quasiment tous les outils à effet de levier, les ventes à découvert sauf à les provisionner à cent vingt pour cent ...

Les acteurs des marchés financiers ne sont pas tous des intervenants qui ne font qu'exploiter un cadre dont ils ne sont pas responsables. Certains sont des voyous qui ont contribué à instaurer les règles, qui ont envoyer des hommes dans les Banques Centrales et dans les Commissions de surveillance et de pseudo contrôle pour y pervertir les règles. Ces voyous sont les plus grandes banques du marché.

Des banques de la City de Londres par exemple proposaient aux autres banques, il y a vingt ans, par dizaines, pour cinq millions de dollars le ticket, des opérations interdites qu'elles se faisaient fort de monter dans des paradis fiscaux. Je serais fort étonné qu'elles aient cessé ces activités. De nombreuses affaires ont montré soit la malhonnêteté des banquiers sur les marchés, soit leur incompétence (Société Générale dont les responsables de table de trading ne comprennent pas les activités de leurs agents) ce qui revient à dire que la Direction de la Banque est composée de parfaits imbéciles qui disposent d'énormes moyens et que la Banque de France chargée de la surveillance est incompétente ou complice sur ordre des gouvernements auxquels ces banques rendent des services. Ce fut le cas du Crédit Lyonnais qui coûta une fortune aux contribuables. Le patron pourri de la Banque de France de l'époque a été nommé à la tête de la Banque Centrale européenne !... Certainement parce que les Allemands se sont dit qu'avec de telles casseroles au cul cet homme leur serait soumis, ce qui a bien été le cas.

"La fonction de manipulation peut prendre le pas sur la fonction cognitive." p 60 Non seulement elle le peut, mais elle le fait systématiquement dans de grandes structures. La fonction de manipulation est directement proportionnelle à la taille de la structure - et au nombre d'échelons -, ce qui se comprend fort bien. Plus les échelons de décision, ascendants ( électorats populaires ) ou descendants ( grandes structures ) sont loin des données objectives, plus ils sont dépendant de la transmission et de la présentation de l'information, plus ils peuvent être manipulé. Ajoutons qu'actuellement les électorats sont soumis à deux transmissions successives et inversées. La maîtrise des appareils politique relève de structures descendantes ( dirigeants vers base ), pour une fois les dirigeants ayant réussis leur prise de pouvoir, devenir ascendantes, les processus électoraux sont donc susceptibles d'être victime de deux courants de manipulations. Mauvaise remontée de l'information vers les dirigeants, mauvaise information de la base. C'est le phénomène de soviétisation. Le pouvoir a alors tendance à se durcir, quand il n'en a pas les moyens, il en prend la pose comme en France sous le règne du psychopathe de Neuilly. Cela aurait d'ailleurs été la même chose avec la folle du PS qui ne rêve que d'armées, de beaux et sévères militaires.

De plus, plus la société s'éloigne du réel (secteurs d'activité primaires, puis secondaires), plus elle s'ancre dans le virtuel, plus la fonction de manipulation trouve de champ. Cela parce que la structure se complique et que le réel peut subir de plus en plus de distorsions. Les coûts de toutes sortes, s'aggravent, la société se dégrade, mais l'élasticité des sociétés virtuelles est plus grande, l'état de dépendance de ses acteurs plus fort, leur complicité active ou passive mieux acquise. La société libérale ne compte d'ailleurs jamais ses morts. L'horreur de cette société est donnée aux Etats-Unis par le mouvement populaire ultra libéral, où l'on voit ce qu'on appelle habituellement les bien-pensants, religieux, donner tout le champ à leur égoïsme profond et à leur arrogante mesquinerie et malfaisance sociale. Toutes proportions gardées, cette société n'est pas loin d'être aussi horrible que la société nazie. Elle remplace les camps de la mort par les quartiers, les villes défavorisés dont le chômage et la misère sont les barbelés ; les défilés de Nuremberg par les grandes manifestations contre tout progrès. Le fou Hitler est remplacée par l'ultra conne Sarah Palin. Evidemment on ne saurait rien comparer au nazisme, mais le nazisme a été combattu comme mal absolu, ce qu'il était, le libéralisme, lui, se fait passer pour le bien absolu alors qu'il est un fléau.

Il faut toute une vie pour assimiler qu'une prévision valide ne prouve pas nécessairement que la théorie sur laquelle elle se fonde est également valide, quand une publicité politique n'a besoin que de trente seconde  pour délivrer son message. " p 69

Aujourd'hui, nous savons très bien qu'à chaque fois qu'un homme politique ouvre la bouche, il s'en échappe une pestilence insupportable Il en est de même des journalistes, simples relais ou manipulateurs eux-mêmes, et de tout ce qui tourne autour du pouvoir. La communication n'est plus l'art de transmettre mais celui de mentir, de fabriquer un réel de substitution.

La liberté du commerce n'a rien à voir avec celle des individus, elle leur est même contraire.

Telle que conçu par l'Europe officielle, le libéralisme interdit aux citoyens d'organiser leur production collectivement et rend obligatoire l'insertion dans les processus économiques des intervenants privés qui vont les racketter. L'Europe libérale est corrompue et mafieuse.

On me pardonnera je l'espère d'avoir dérivé dans le commentaire du livre de Georges Soros. Mais je le tiens pour une œuvre remarquable qui, par sa présentation pédagogique autant que par son contenu, mériterait d'être étudiée dans les lycées où il serait bien utile d'informer les jeunes de quel pouvoir totalitaire ils vont être (sont déjà) les victimes.