ISTRATI PANAIT - LES ŒUVRES

 

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J'ai commencé cette rubrique, Istrati, en parcourant le Pèlerin du cœur que je n'avais jamais lu complètement, puis, je me suis mis à la relecture de l'œuvre, épreuve redoutable quand la précédente lecture remonte à des dizaines d'années et que l'on a bien changé depuis, redoutable également parce que s'insérant dans la lecture de Richard Millet, écrivain contemporain oh combien prenant ! J'ai commencé cette relecture par les Chardons du Baragan, un des livres par lesquels j'avais découvert Istrati. Les descriptions de la terre échappent au lyrisme à la Giono et la relation de la terre à l'homme, à la mort latente de Millet, ici, nous sommes, avec l'homme qui survit sur ces terres, pliées sous le joug des puissants locaux, ceux qui vont bouffer la sueur des autres, qui vivent de la famine du grand nombre dans la lointaine Bucarest, autour d'un roi indigne tout comme nos financiers véreux du néo libéralisme vont bouffer le produit de leurs rapines à Paris ou à New-York dans la pourriture luxueuse de ces villes déconfites, et l'on comprend une partie de l'histoire à venir de ce malheureux pays et l'on sait quel misérable salaud sera cet ancien fasciste jamais vraiment repenti, Cioran, philosophe d'un désespoir pour boy-scouts, qui sèmera en France sa sirupeuse salade mortifère jusqu'à ce que mort tranquille s'ensuive dans son lit, à quatre-vingt quatre ans. Istrati est le chantre de l'homme qui souffre accroché à sa terre dont il tire désespérément tout l'espoir possible. En peu de mots, dans une langue étrangère, il parvient à nous prendre fortement dans cette évocation à la fois virile, révoltée et résignée. La description de la révolte sans lendemain, vécue de l'intérieur comme de la répression sanglante par une vile armée de mercenaires, symbolique de toutes les armées, est saisissante malgré, là aussi, le peu de mots et de phrases employées et la simplicité du texte. Chez Istrati, l'authenticité, au-delà des révoltés professionnels dont il se séparera naturellement - qui le rejetteront parce qu'ils ont toujours été étrangers à la souffrance de ceux dont ils détournaient la parole - est style. Nous ne sommes pas ici dans les caves de Saint Germain ni dans les arrière-salles de bistrots où Lénine et les siens fomentaient une révolution que le Kaiser subventionnera et qui en gardera la marque au cul ! Nous sommes au milieu de ceux qui s'arrachent dans l'indifférence des repus, une miette de pain, une pincée de farine ou un épi de maïs desséché ! De même, il semble qu'il n'y ait ni début, ni fin, dans ce livre auquel s'enchaîne naturellement un autre, puis un autre encore, qui décrivent chacun la même misère de l'homme, sous le ciel voisin peut-être!

Il est dommage qu'on ne lise plus Istrati, on y apprend plus que dans les œuvres filandreuses de tous les Bourdieu réunis !

 

" Les yeux hagards sur la table, le père murmura :

" Maudit Baragan... Et ce poisson maudit... Seigneur, que c'est dur d'aller jusqu'au bout de ce calvaire de vie !...

- Que la terre lui soit légère! dit Gavrila, trinquant avec le père.

Puis:

- Quels malheurs disais-tu avoir subis sur le Baragan ?

- Le cheval mort; la charrette émiettée, et le poisson perdu ...

- Rien que ça! Bon Dieu de bon Dieu !... Et maintenant ?

- Nous scions du bois, depuis une semaine ... Et je croyais qu'il nous était permis, à nous aussi, de manger des sarmales, car nous trimons dur. "

 

 

- Tsatsa-Minnka

 

Tsatsa-Minnka, est une fille de l'Embouchure, l'embouchure du Sereth cet affluent du Danube qui s'unit à sa maîtresse la Bistritsa pour lutter contre ce maître trop puissant avant que de se rendre. Son père la marie contre son choix à un vieil homme riche, marchand de Braïla près duquel elle découvre l'avarice mêlée à la charité. Elle revient à son jeune amant d'avant le mariage, se lance dans une entreprise qui prospère pour le voir, ce jeune amant qu'elle croyait bon et généreux, devenir ivrogne, avare, tout ce qu'elle déteste... Une autre tranche de vie, dans un autre cadre que le Baragan où l'on découvre et l'Embouchure, le pays qui donne la prospérité et la reprend et Braïla, la ville et où la lutte pour la vie est aussi la lutte contre le désespoir venant des hommes. Un livre qui pourrait illustrer la phrase de Istrati, tirée de sa "confession" à Romain Rolland, et citée en tête de la première page qui lui est consacrée sur ce site.

 

 

Nerrantsoula

 

L'amitié, l'amour, la déchéance, le voyage, des thèmes chers à Istrati autour de trois personnages forts, bien campés, dont on suit la passion et qui n'échappent pas à leur destin.

 

 

"J'aime l'homme quand il porte en soi, dès sa naissance, l'amour d'amitié. J'aime la femme quand son sang est embrasé par la passion chamelle. Je me livre à eux sans marchander, avec frénésie. Cela coûte cher, mais jamais les déceptions subies n'ont diminué, jamais elles ne diminueront la somme de mes désirs."

 

 

 

CORRESPONDANCE AVEC ROMAIN ROLLAND

 

Peu de correspondances sans doute ont la même force que celle-ci dans laquelle on voit Istrati directement, sans intermédiaire, dans toute la force de sa volonté de croire, de ses désespoirs passagers, de sa foi en l'homme. C'est quelque chose qui force le respect et je ne crois pas que l'on puisse ici parler soi de naïveté, soi d'angélisme, Istrati c'est l'évocation de ce à quoi nous renonçons trop vite, de l'impossible fraternité et c'est aussi la preuve que en art comme ailleurs, la vie, l'authenticité est une grande force. La langue dans laquelle Istrati s'exprime ne compte pas tant elle est postée par son discours, par ses convictions et tant son pouvoir sur nous est grand.

Après la première publication, dans l'humanité, d'un texte d'Istrati, imbécilement manipulé, défiguré, par les scribes staliniens, on comprend mieux la prémonition de ce dernier quand il prévenait Romain Rolland :

" Et surtout ne parlez pas, comme vous le dites, à ceux qui sont trop occupés des affaires du monde. Je crains qu'ils me prendront du mauvais côté, qu'ils comprendront mal mes besoins et, voyez-vous aujourd'hui je suis un peu plus dur, il se peut que je sois mis dans l'alternative de choisir entre : vexer un homme bien intentionné ou sauver mon âme, et en ce cas je n'hésiterai pas de prendre ce dernier parti. Je veux vivre une autre vie et ne plus faire de ces affaires qu'avec des humbles."

 

 

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5 janvier 2004, modifié le 18 janvier 2004