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LES ŒUVRES : Leurs oeuvres

 

LA CHOSE ECRITE

 

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" Hantée par Céline, Beckett ou Duras, la phrase contemporaine ne joue plus aucune dramaturgie singulière du sens. "

Richard Millet - Désenchantement de la littérature -  

 

Quelques réflexions sur l'écrit ...

 

Lire, écrire, ne peut manquer de provoquer certaines réflexions, certaines observations et l'envie de les partager ou de les confronter à d'autres. C'est simplement et modestement ce que je voudrais faire ici. Je ne prétends aucunement à l'originalité, il serait même étonnant que les mêmes activités n'aient pas suscitées chez d'autres de semblables réflexions.

L'écriture publiée : Je viens de feuilleter dans un super marché, c'est là qu'ils se vendent entre le rayon savonnette et le rayon légumes, le livre d'une romancière dont on dit le plus grand bien. Affligeant comme la plupart des romans publiés aujourd'hui. Au moins Gallimard, cette vieille maison, nous sauve encore de tels romans quoique ... parfois ... A quelque page que je m'arrête, je ne trouve que des " Murielle fit cela à Delphine qui avait ..., Marcelle les ayant abandonnées très tôt lors du départ de Séraphine ..." Les critiques qui portent aux nues de tels conneries, qui font croire aux pauvres imbéciles qui les écrivent qu'ils sont des écrivains, les membres de jury de lecteurs ou de professionnels, qui, rassurés d'avoir "tout compris" ou publiés par les mêmes éditeurs, leur donnent des prix, ... ont-ils lu Proust, Camus, Aymé, Gide et quelques autres ? Comment peuvent-ils remarquer et recommander de telles inepties ? Ce roman est de plus d'une écriture d'une platitude affligeante, une écriture de journal emmerdant, style Le Monde en vocabulaire réduit. D'autres se veulent "flamboyants", ils sont souvent pires, insupportables par le ton plaqué sur la vacuité, le premier ajoutant la prétention verbeuse au vide. Ne nous effrayons pas, il y a toujours eu une littérature du dernier degré et de quelques uns à peine supérieurs même si elle ne se vendait pas encore chez les épiciers. Il n'y avait pas de télévision pour la faire la retape, pas de revue qui s'y intéressa ... La déclamation pompeuse de n'importe quelle connerie n'était pas considérée comme œuvre d'art ainsi que le rap et les imposteurs ne polluaient pas les châteaux et musées de leur pseudo art dit moderne, moderne pour escroquerie tant il est vrai que le seul modernisme, aujourd'hui, tient dans l'escroquerie généralisée de nos gouvernants aux banquiers en passant par les fumistes autoproclamés artistes, blanchisseurs de l'argent des mafias..

De l'émotion : Il est possible d'être intelligent en étant ému mais c'est plus difficile. L'homme est un être d'émotions, son intelligence est en grande partie reproductrice, imitative. L'émotion est plus généralement une pollution de l'intelligence. Elle n'épargne personne et la plupart des philosophes ne font que mettre du raisonnement sur des idées qui leur sont suggérées par l'émotion (Dit autrement, mieux, par Nietzche). Le romancier est par excellence l'écrivain de l'émotion, après, toutefois, le poète, il peut se cantonner à elle mais il n'est supérieur que dans la mesure où il la maîtrise. Cela enferme le romancier dans un cercle très étroit puisque d'aucuns lui interdisent les idées, le roman à thèse n'étant à leurs yeux qu'utilité dépourvue d'art - ce qui, bien entendu est une position à-priori qui reste à démontrer. On peut toutefois manier les idées sans défendre de thèses, par exemple rapporter avec recul les idées de son temps, incarnées ou défendues par des personnages, sans pour autant les défendre. Alors, le romancier est dans son meilleur rôle - à mes yeux - celui de témoin. Il est déjà un peu déplacé et suspect quand il juge les idées, émet des préférences, mais le romancier est homme et tout homme prit dans la société ne peut s'empêcher d'avoir des préférences. On pourrait la plupart du temps mesuré l'art d'un écrivain à la façon dont il utilise l'émotion pour embarquer son client, le lecteur. Celui qui a le plus recours à l'émotion est souvent l'écrivain de la facilité, l'écrivain superficiel, sans grand talent. Mais l'émotion peut-être de qualité et l'écrivain y gagne des lettres de noblesse. Elle peut-être violente mais rare, courageuse, rendue avec talent voire génie et l'écrivain devient un être particulier. Peut-être devrions-nous réhabiliter l'émotion dans ce sens, car, puisque nous sommes beaucoup plus faits d'émotions que de raisonnements, c'est en raffinant sur l'émotion, en la sélectionnant, en l'approfondissant, que l'on enrichit le plus sûrement le lecteur appelé à participer à l'aventure. Finalement ne faut-il pas préférer l'écrivain d'émotions qui se sait tel à l'écrivain d'idées ? Puisque le second ne fait que se croire détacher d'émotions qu'il n'a aucune chance de contrôler, les ignorants alors que le second, se reconnaissant pour ce qu'il est peut jouer sur deux tableaux : raffiner ses idées et étendre le champ, l'assiette, de ses idées. Bien entendu, tout cela demeure très théorique et hypothétique, la littérature donne de multiples exemples qui viennent contredire ces suppositions autant qu'elle peut en donner qui les confirment même si parfois nous jugeons certains auteurs parmi les plus grands sur des critères approchant. Qui nous dit que nous ne trompons pas alors ? Comment situer le meilleur de Zola, Lamartine, Dostoïevski, Madame Bovary ? Chez Zola par exemple, dans les Rougon-Macquart, l'intelligence est toujours présente mais elle est soumise à l'émotion quand elle ne la chevauche pas. Que serait notre littérature réduite à Voltaire sans pour autant vouloir diminuer son mérite ? Et je n'évoque pas Pascal chez qui on ne sait jamais ce qui s'exprime de l'intelligence ou de l'émotion !

Critique littéraire : Selon beaucoup, la critique se devrait d'être "objective", c'est à dire de tenter de cerner la valeur d'une œuvre ou d'un livre sur des bases quasi scientifiques. On sent bien que cela relève de l'impossible. Il n'y a pas de bases scientifiques à la critique littéraire parce que la littérature est une aventure humaine et en tant que telle échappe à la science. Une critique qui se prétend objective est non seulement une imposture mais aussi un acte totalitaire puisqu'elle se place d'emblai en tant que référence absolue. La critique n'est jamais que le reflet d'une lecture effectuée par un lecteur, c'est à dire d'une émotion. On peut l'habiller d'observations, on peut la soumettre à une analyse des thèmes, du style, on peut inventer autant d'instruments de mesures que l'on est capable d'en imaginer, tout cela ne fera que refléter d'une façon ou d'une autre l'approche de l'œuvre ou de la littérature par une personne : le critique et ses complices auteurs de méthodes. Que ceux qui lisent des comptes-rendus de lecture, des avis concernant des auteurs, les prennent pour ce qu'ils sont : des témoignages d'amitié ou des moments d'irritation.

Le style encore *   Je l'ai toujours écrit, s'agissant du style il ne faut pas se tromper, il doit demeurer au service de l'œuvre. Un style trop marqué, qu'on l'aime ou pas, je prendrais en exemple le style de Richard Millet, est, si l'on n'y prend pas garde, une arme de persuasion redoutable. Le style agit d'une façon que je ne dirais pas identique à l'image qui endort la raison par l'émotion, mais parallèle. Qu'il s'agisse de Péguy, de Proust, de Céline, de Millet, il y a un moment où le style cesse de servir l'œuvre pour faire "passer" le contenu. Cela peut-être involontaire de la part de l'auteur mais le lecteur doit se défendre et le risque qu'encourt l'auteur est la perte de sens quand le lecteur s'abandonne tout à fait à la musique. En ce qui me concerne, j'avoue me complaire dans la musique de Péguy, au plan du sens, j'y retrouve (par exemple la Présentation de la Beauce ...) quelque chose de l'épopée des bâtisseurs de cathédrales sans pour autant être sensible à l'idéologie portée. Chez Proust, il m'arrive fréquemment de me laisser aller sans réserves à la musique, devenant tout à fait imperméable au sens. Je hais le style de Céline parce que je n'aime pas qu'on brise la langue et qu'à chaque ligne, à chaque mot presque, des associations d'idées horribles me sont jetées au visage. Avec Richard Millet, je retrouverais presque la sensation Proust mais avec un déplacement, je n'écoute plus une musique de chambre en fermant les yeux dans un salon, je suis un enterrement sur le haut plateau siomois. Tous les styles "brisés", ayant pour support la phrase courte ou tronquée, de notre époque, qu'ils soient flamboyants, populistes, plats, misérabilistes, m'insupportent. Ils sont l'équivalent d'une musique réduite aux percussions : du bruit. Il y a dans ces styles, soit une volonté de briser le sens, soit de rendre une absence de sens, un monde réduit à la misère des sensations frustres. Le plus souvent ces œuvres sont écrites en contrepoint, c'est à dire que le discours misérable devient exactement l'absence d'un discours censé, plein d'émotions "relevées". L'ennui, c'est que pour tenir un tel discours, il faut connaître l'autre, en clair, l'auteur triche.

* Encore parce que les derniers textes sont ceux qui apparaissent en haut de la page et que le style a déjà été évoqué;

Critique en direct : Depuis plusieurs mois une émission de télévision tente de faire de la critique - je ne dirais pas littéraire tant il passe sur son plateau peu de littéraires - mais au moins de livres, en direct. C'est Eric Naulleau qui se charge de la corvée de dire aux empaffés du monde des spectacles, de la télémerde, des mondains et autres baltringues ce que valent les gribouillis informent qu'ils délivrent à un public de cons pour "témoigner" à moins que ce ne soit même pour "enseigner" ou délivrer un message. Le moins qu'on puisse dire c'est que l'exercice est difficile. Les intéressés sont persuadés, même quand ils n'ont pas écrit eux-mêmes leur petite saloperie, qu'ils sont les héritiers de Victor Hugo ... la magie du livre certainement ! Il faut les voir éructer, insulter, menacer pour les plus dingues. Chanteurs - ce sont les pires -, pseudos économistes, avocats, écrivains, parfois critiques eux-mêmes et pas des plus tendres, cela est parfaitement ridicule. Leurs arguments sont à la hauteur de leur crétinerie et de leur absence de talent et de discernement : "Vous démolissez en quelques mots une année de travail !" Il est dommage, Ducon, que tu ais perdu une année à écrire de telles inepties ! "Il y a là, douze mille vers !" Il en aurait fallu dix millions pour peut-être pouvoir en sauver trois ou quatre ... le hasard ! "Qu'est-ce que vous avez produit, vous !", ou : "qu'as-tu écris ?" - le baltringue a tendance à tutoyer ...- Rien de tel, Monsieur, c'est pour cela qu'il mérite notre considération. "As-tu tout lu ? Tu n'as même pas tout lu !" Tout lire, ils n'y vont pas de main morte les cons ! Comme si cinq ou dix pages ne suffisaient pas à édifier ! Ils veulent le supplice complet, il faut tout lire de leurs élucubrations, de la première à la dernière phrase ... quand il y a des phrases bien entendu, disons donc du premier au dernier mot ! Allons, pourquoi ne pas admettre que 99,99999% de ce qui paraît n'est que de la merde, que le public de lecteurs ordinaires est un public de nécrophages - nécrophages ici = bouffeurs de merde -, que les éditeurs exploitent cela, ce qui est plus facile que de chercher des talents qui, d'ailleurs, n'existent certainement pas ... faut pas rêver ! Là, tout deviendrait simple, la critique ne délivrerait plus qu'une note merdouille. Monsieur Lalanne, Attali, Yann Moix, Mme Boccolini, et combien d'autres ... vous venez d'obtenir 10 sur 20 dans l'échelle des merdouilles, votre message vaut 5 sur 20 pour débiles et attardés mentaux, adeptes de Delarue, votre qualité d'émotion 15 sur 20 dans l'échelle de Gala ou de n'importe quel autre torchon du même genre. Pour Attali, vous avez 20 sur 20 sur l'échelle des lèches culs ... et 20 sur 20 sur l'échelle des conneries prétentieuses, 1 sur 20 en matière d'originalité, excusez du peu, mais je me souviens d'un certain Jean Edern, assassiné par les socialistes aux grandes oreilles !

Littérature engagée : Est-ce depuis Gide que cette littérature souffre d'un à-priori négatif ? Rien de plus stupide que de croire qu'une œuvre est mauvaise au plan littéraire à proportion d'un engagement ! Péguy était engagé, Zola également, France aussi et de nombreux autres. Pour certains, comme Zola, le meilleur côtoie le pire sans que la ligne de partage soit bien nette. Barrès me décourage et il décourage bien d'autres par ses engagements nationalistes, par le sacrifice qu'il semble bien avoir fait trop souvent de son art à ses idées, est-ce une fatalité chez l'écrivain engagé ? Drieu est un écrivain engagé, une écrivain engagé qui n'a cessé de se dégager même quand cela a été trop tard pour être compris de ceux qui allaient s'arroger le droit de le juger et auxquels il décida d'échapper en se laissant aller à une vieille tentation. La littérature dont l'art est la seule justification fourmille de cadavres, de beaux cadavres comme de beaucoup moins beaux. Elle n'échappe pas plus que l'autre aux reproches, aux atteintes du temps. Gide lui même, partisan de cette fumeuse théorie de l'art pour l'art en donne les limites quand il s'engage, sur les problèmes coloniaux, sur l'aspect social, sur la justice, sur les mœurs ... difficile de trouver plus engagé que cet écrivain qui ne se laisse pas enfermer. Paul Bourget est de ceux dont la réputation a souffert de cette étiquette : engagé. Il n'est que de le lire pour constater que la partie la plus désuète de son œuvre n'est pas celle dans laquelle il se bat pour ses convictions, mais celle, dite d'analyse, qu'il consacre aux duchesses et à leurs amours. Alors, littérature engagée ? Pourquoi pas, au prix d'un risque supplémentaire.

La vie réelle : La littérature, bonne ou mauvaise, s'attache souvent à retracer des pans de vie réelle, elle en part, elle les analyse ; la plupart des pièges qui guettent l'écrivain se trouvent d'ailleurs dans le rapport qu'il établira entre ce réel et son œuvre, la façon dont il transposera. On ne peut donc faire l'économie d'un sujet qui semblera choquant à beaucoup : quelle différence entre la littérature et ce que l'on appelle aujourd'hui la téléréalité ? Cette dernière que nous ne retiendrons pour cette comparaison que sous ses aspects les moins mauvais, vise à présenter au public un miroir dans lequel il peut se reconnaître, miroir qui, par démagogie, par souci d'économie, par manque de talent et d'imagination, est confectionné à partir de gens ordinaires, le plus souvent des plus médiocres, qui vivent sous l'œil des caméras ou viennent se raconter, s'exhiber. Miroir ou miroir de l'envie des médiocres ? La téléréalité chevauche et c'est important, l'illusion de nombreuses personnes qu'elles peuvent prétendre à la célébrité, exhiber leur médiocrité voire ce qu'il faut bien appeler leur connerie sous prétexte, dans les meilleurs des cas, d'exemplarité. Ce mirage que constitue le désir d'innombrables crétins de s'exhiber, touche même les acteurs actifs - par opposition à acteurs passifs - les crétins - j'appellerai actifs les présentateurs et autres professionnels du sous-spectacle. Ainsi on voit de ces gens écrire des livres par exemple - se raconter dans des livres écrits par d'autres qu'ils signent - et venir témoigner sur les plateaux de télévision drapés dans ce qu'ils ne sont pas loin, connerie aidant, de considérer comme un grand service qu'ils rendent à la population ! Population des gros, des malades, des jaloux, des femmes ou des hommes qui ne peuvent pas avoir d'enfants, des harcelés, des violés, des harceleurs et violeurs repentis, la liste est aussi inépuisable que celle des sujets de certaines de ces émissions à haute fréquence. Je vois au moins deux différences entre cet exhibitionnisme médiocre et de mauvais alois et la littérature. La première part du support. Le livre appelle un minimum de participation du lecteur, minimum qui est en partie obtenu par le talent de l'auteur, participation qui peut aller chez un lecteur de bon niveau, jusqu'à une sorte de réécriture de l'œuvre. L'image diffusée dans son accablante médiocrité, n'appelle qu'une projection aveugle du spectateur. La seconde et la plus importante différence tient à la qualité de la voix. L'auteur quand il est bon, fait œuvre d'art, c'est à dire qu'il enrichit le réel d'une vision esthétique et éthique de haut niveau, même de façon inconsciente, qui tient à ce qu'il est. Il n'en demeure pas moins que la téléréalité dans son effarante médiocrité, occupe la dernière marche, celle qui se situe tout au bas du couloir qui mène aux épouvantables sous-sols, de l'expression du réel dont la meilleure des littératures occupe la dernière marche au plus haut de l'escalier en compagnie de ses consœurs des autres arts.

Le roman : Forme littéraire la plus connue, la plus populaire, le roman n'en finit pas de se survivre. Périodiquement annoncé mort pour des raisons diverses, il continue d'occuper la première place des différents genres, mieux, il les annexe, les investit, se coule dans leurs oripeaux. Le roman mourrait du trop grand nombre de titres, d'être accessible à tout un chacun, de l'épuisement des sujets ou des formes. Surréalistes, nouveau roman, il a survécu même au roman réaliste soviétique, rien n'y fait la bête aux mille têtes renaît comme l'Hydre. Tous ceux qui pleurent comme cela m'arrive, de l'absence de grands auteurs - tout en saluant un Millet ou un Sansal - savent très bien que le temps nous mettra un jour en évidence quelques œuvres rares aujourd'hui étouffées par l'angotisme, les sollérismes, les nothombleries ou même, de bien meilleure venue, les ormessoneries. Jadis mêlé à la poésie, le roman s'est annexé le journal, depuis très longtemps la correspondance, l'essai, la biographie et l'histoire, il est sociologique, psychologique, d'aventures, de fiction dite "scientifique" et souvent mirifique, il est policier, jadis juridique, il est artistique, réaliste, naturaliste et romantique, classique et bien d'autres choses, à thèses, de propagande, de lutte, il sera certainement biologique, le nouveau est déjà très ancien mais survit à son imposture, chaque crise le voit prendre une nouvelle ampleur. Alors, faut-il l'enfermer dans des doctrines, classer ses formes, en tracer l'histoire ? Pourquoi pas ! J'ai ainsi lu avec intérêt l'article de M. Olivier Parenteau sur les conceptions qu'avait du roman mon ami René Boylesve, mais il est une chose dont je me garderais bien, c'est de juger des romans qui se publient comme de ceux qui l'ont été il y a longtemps au-travers de ce prisme historique ou d'un autre classificateur. La qualité d'un roman ne tient ni à son sujet, ni à sa forme, ni à sa langue et encore moins à la place qu'on peut lui assigner dans l'histoire de l'évolution du genre. Elle tient à un ensemble assez difficile à cerner et encore plus à saisir, dans lequel tous ces éléments tiennent certainement une place et d'une autre chose, insaisissable par excellence : la vie. La vie, vécue, imaginée, rêvée, ressentie, disséquée, condamnée, glorifiée, maudite, la vie misérable, grandiose, médiocre, moyenne, aventureuse, mesquine, bref, cette vie, transposée, passée aux autres, déconstruite et reconstruite inlassablement par des auteurs et des lecteurs qui, chacun y apportent leurs expériences, leur vécu, leur imagination, leur sensibilité ... Il y a encore beaucoup plus, infiniment plus, de romans qu'on ne l'imagine puisque pour un roman paru existe autant de romans que de lecteurs qu'il trouve et je ne parle pas de ces romans soliloqueux qui se font et se défont dans les cerveaux des rêveurs au cours de méditations solitaires, n'importe où, n'importe quand ... Le roman, finalement, c'est la liberté pour chacun de rêver et de vivre sa vie et la vie des autres à sa guise au-delà des barrières matérielles.

Je me retire pour écrire... : On connaît la vogue des écrits de gens connus curieusement affublés d'une dénomination anglaise censée signifier leur importance et ne faisant que marquer leur banalité. Ces gens qui, en général, font écrire leurs sinistres bouquins par d'autres - on se demande pourquoi au vu de la médiocrité du résultat -, éprouvent parfois comme une ex-otage le besoin de proclamer qu'elles vont le faire... elles vont écrire, retenez votre souffle bonnes gens, Moi, Je vais écrire cette expérience unique que Je Me dois de vous faire connaître... Madame, votre épopée dans la jungle... on s'en fout !

Littérature d'intentions : Notre époque condamne assez généralement la littérature militante, le roman à thèse est jugé par beaucoup comme une œuvre secondaire, polluée dès l'origine par son contenu, par l'utilitarisme. La formule de Gide, "l'art pour l'art" même si elle est, ce que Boylesve avait bien vu, une stupidité parfaite, est toujours d'actualité. Cependant jamais certainement la littérature n'a été autant encombrée d'intentions. C'est une véritable jouissance de voir ces écrivains pédants venir sur les plateaux de télévision décomposer leurs œuvres, en formuler les intentions... Ils pratiquent une littérature non pas académique, mais universitaire. D'avance, ils font sur leur propre œuvre le travail d'un professeur, ce que refera derrière eux le critique. Pour beaucoup d'ailleurs, ce travail précède certainement l'œuvre. Comment ne pas voir que l'œuvre d'intentions est une œuvre engagée ? Qu'elle est, encore plus que les œuvres engagées de jadis, une littérature artificielle dans laquelle tout tend soit à la démonstration, soit à l'édification, à l'exemplarité quand ce n'est pas à l'empilement des thèmes. Loin de la première qualité de l'œuvre littéraire, l'authenticité, cette littérature de techniciens est sèche, sans saveur, elle ne défend pas un parti mais une morale ce qui revient au même ou ce qui est encore pire, et elle le fait de la façon la plus sotte et la plus prétentieuse qui soit : avec des prétentions "scientifiques", technicienne. L'école obligatoire nous a donné une littérature de "simples", souvent forte, authentique, parfois emportée par des élans lyriques, celle des professeurs - des universitaires - est une littérature d'ergoteurs, de constructeurs au petit pied, ... d'enculeurs de mouches mortes. On sent que ces gens ne sortent jamais leur stylo sans une bonne provision de Lagarde et Mitard puissance 10 et quand ils décrivent les émois de leur jeunesse, c'est cent ans de pouilleries littéro-universitaires qui tiennent la plume !

 L'art pour l'art : Doctrine prônée et illustrée entre autres, par Gide, selon laquelle la littérature n'a d'autre but que la littérature, l'art. René Boylesve dans ses carnets note très justement l'imposture d'une telle formule. Imposture qui ne réside pas dans le second terme "pour l'art" mais dans le premier "l'art". Car s'il est vrai que l'art est le but de toute littérature de qualité quelles que soient ses intentions, il n'est pas moins vrai que l'origine de toute littérature vivante n'est pas dans l'art mais dans la vie. Le public a reçu la proposition de Gide comme une évidence - ce qui n'a empêché ni Sartre, ni Mauriac, ni Camus - en fonction du second terme, sans examiner le premier. L'œuvre même de Gide illustre parfaitement l'origine de l'œuvre d'art : sa vie et la vie qui l'entoure et dément ainsi sa proposition qui devrait être : "la vie pour l'art", ce qui implique peut-être "l'art pour la vie" ce qui pourrait ramener au "changer la vie" d'Istrati et à nous faire ressouvenir que comme le disait Romain Gary, " l'art est ce qui nous permet de sortir de n'importe quelle poubelle. "

Pourquoi lire ? : Question presque éternelle ! La réponse la plus commune est bien entendu : pour le plaisir. Elle est à la chose littéraire ce qu'est Dieu à la métaphysique : une entourloupe, une pirouette qui ne résout rien, ne répond à rien. Car de même que Dieu appelle la question "qui a créé Dieu ?" et repose le problème des origines, le plaisir demande à être expliqué : de quoi est-il fait ? Et on repart à zéro. De la découverte de la différence ou de la découverte de complicités intimes ? Du plaisir de penser ou de celui d'oublier ? De la concentration, de la sorte de retour sur soi que provoque certaines lectures ou, au contraire, de l'ouverture à l'autre ? Du plaisir d'apprendre ou de celui de se confirmer ce que l'on savait déjà ? Du balancement des mots, de leur musique ou de la formulation sèche et presque mathématique du réel ? On pourrait allonger à l'infini la liste des réponses contradictoires, contradictoires ? Peut-être pas, finalement ... et c'est là la réponse, la vraie, la lecture est tellement variée dans ses implications, dans ses impacts, qu'elle tient et prend la place que nous lui accordons : celle d'une souffle indispensable.

Les mots et les gros mots : C'est devenu une tarte à la crème que de dénoncer l'emploi de formules creuses au lieu des mots bien sentis qui nous viennent souvent et spontanément à l'esprit pour qualifier les hommes et les événements de notre temps. C'est que notre société s'est de plus en plus justiciabilisée, au fur et à mesure que des crapules et des mafias de véritables truands ont pris tous les pouvoirs, les recours aux tribunaux qui sont en général destinés à protéger les désordres des puissants et le Désordre de l'injustice, se sont multipliés. On a crié bien fort qu'Internet était un espace de libertés alors que c'est exactement et précisément le contraire. De concert avec la télévision, instrument de médiocratisation et désinformation par excellence, la toile par la prédominance donnée à la fausse information, buz et autres stupidités, la possibilité de rendre inaudible par les moteurs de recherche, les sites qui déplaisent, les faux débats autour de baltringues dont nous sommes abreuvés tous les jours (aujourd'hui, en janvier 2014, par exemple autour de ce pauvre con de Dieudonné qui ne mérite même pas une ligne), tout cela atteint à l'information réelle, celle qui dénoncerait le vol, le pillage, les trucages électoraux qui font de tous les officiels français de simples salauds dépourvus de toute légitimité, d'hypocrites Pinochet au petits pieds parce que trop lâches pour s'assumer dans de vrais combats, avec de vraies saloperies et agissant en sous mains, par la magouille, le mensonge, la démagogie ... Alors ? Les gros mots ! Les insultes ? Cons, salauds, et bien d'autres ? Ce sont des mots appropriés, des mots que l'on emploient chaque jour entre nous, en privé, quand nous évoquons ceux qui se prennent pour des personnages, qui se font protéger par la flicaille, qui se font acclamer par les Conseils d'Administration bidonnés, réunions d'escrocs en cercle pas pour s'enculer eux-mêmes, mais pour enculer le public, tous les publics, petits actionnaires, travailleurs, consommateurs, simples citoyens ...  voleurs qui s'octroient des salaires fabuleux, des stock-options et autres produits de l'escroquerie, du vol, de l'arnaque, de la fraude, de la manipulation. Bourse truquées où les carnets d'ordre sont exploités depuis plus de vingt ans par des "robots" - on appelle ainsi des programmes qui étudient les ordres de la clientèle pour générer des ordres bancaires destinés à permettre aux banques de tondre le public et dont les pseudo organismes de contrôlent ne parlent même pas ! Les connaissent-ils même ces impuissants, ces complices ? Un monde pourri qui s'étend à la littérature écrémée par les grands éditeurs qui s'emploient à la rendre incolore, inodore, ronronnante de problèmes personnels, de petits cocuages, de malaises de copulations bien ordinaires, de baisouilles sans intérêts ou d'histoires exemplaires de femmes de pays musulmans et d'autres victimes s'exprimant, souvent grâce à des nègres littéraires, dans un langage propre à émouvoir sans émotion dangereuse les rombières du XVIème réputées féministes, celles-là même qui, depuis qu'elles peuvent se payer des gigolos veulent pénaliser les clients des prostituées ! Des connes bien entendu, des connes bien pensantes qui, égalité oblige, rejoigne les grand chœur des cons ! Vive les gros mots, vive les insultes, salutaires, qui réveillent, qui disent !

Paroles d'évangile : Les débats d'idées autour de certains écrivains qui ne les ont pas recherchés m'étonnent toujours. S'ils sont naturels pour un Sartre par exemple qui ne vise qu'à cela ou presque, il en est tout autrement de la plupart des écrivains qui ont des idées comme tout un chacun ou presque. Ce qui m'importe le plus souvent, ce ne sont pas ces idées que l'on trouve dans les romans ou nouvelles, voire dans des pamphlets ou de courts essais, c'est l'homme qui les a émis, pour quelles raisons, dans quel contexte, sa sensibilité, sa relation avec le monde. Une idée est rarement absolue, quand nous la lisons dix ans, cinquante an ou cent ans après qu'elle ait été formulée, il est indispensable de retrouver le contexte et, pour cela, la première et indispensable condition est de connaître l'auteur, d'essayer de retrouver qui il était et comment il vivait. J'ai souvent été entouré de gens qui pensaient que j'allais me heurter à certaines personnes avec lesquelles j'allais me trouver confronté, parce qu'elles étaient, selon eux, communistes, fascistes ou dévotes ou autre chose du même genre. A chaque fois, il n'en a rien été à la surprise de ces gens superficiels, je savais quant à moi, en les entendant, que je m'entendrais avec les personnes qu'ils m'annonçaient. Ces gens superficiels manquaient un épisode : ce qu'il y a derrière les croyances. Je préférais de bons et honnêtes désaccords à la stupidité ambiante des jeanfoutres et il en était de même de mes interlocuteurs. Nous avions, par delà nos différences des points communs, des centres d'intérêts communs, parfois même certaines sensibilités ce qui n'était pas le cas avec les autres, les indifférents, les crétins ordinaires et télévisuels.

Vieillesse : Elle réussit mal à de nombreux écrivains. Sartre, Aragon, Montherlant, Borges, c'est toujours un malheur d'être mal entouré pour ses vieux jours ou de ne pas l'être. Les droits sont parfois utilisés abusivement, il est presque scandaleux que les héritiers puissent en disposer jusqu'à entraver comme c'est le cas de la soi-disant veuve de Borges, les projets de l'auteur vivant ou à saccager son œuvre comme le fit la conne qui servit d'épouse à Jules Renard. L'UNESCO devrait instaurer une sorte de tribunal supra national limitant les restrictions d'accès à une œuvre à l'intention dument manifestée et enregistrée de l'auteur et pénalisant gravement la détérioration des œuvres comme celle que commit de celle de Nietzsche cette pauvre conne nazie d'Elisabeth sa sœur.

Décadence : La notion de décadence est aussi littéraire. C'est un concept inventé par les sauvages amateurs de force et de coups d'une part et les moralistes ivres d'interdits d'autre part. Est réputé décadent un homme qui aime la vie, qui utilise ses talents pour son plaisir, qui préfère coucher avec la femme et la fille de son voisin, voire avec le voisin plutôt que de le dévaliser légalement en affaires ou de le trucider en une bonne guéguerre dite civile (curieuse appellation). En littérature est décadent un auteur qui ne joue pas les Balzac et qui préfère quelques bijoux bien ciselés à une œuvre truffée de textes bâclés et emmerdants dont l'accumulation impressionne les critiques dépourvus d'imagination et de goût et les professeurs chaussés de bésicles et inféodés aux dogmes scolaires. Une époque peut être réputée décadente, un auteur également. Ainsi de Jean Lorrain par exemple, un des auteurs les mieux doués de sa génération qui a dédaigné de donner à son œuvre l'auto importance qui aurait rassuré les généraux qui n'aiment pas lire inutilement et de décliner des thèmes bibliques ou grecs qui font la joie des boutonneux auteurs de thèses et de leurs tristes professeurs.

Dévorer : Le vrai lecteur dévore l'écrivain qui le touche, il est véritablement un Lui qu'il a reconstruit à son usage et qui le hante. Ce n'est pas la similitude immédiate, l'identification, qui provoque cet acte.

Critique des livres de personnalités : On le sait, aujourd'hui, les personnalités c'est n'importe qui. Un journaliste, un acteur, la présentatrice d'un jeu merdique, un escroc, un voleur, une pute, un flic, un politicien, un charitable, un journaliste, un avocat, un escroc, un pseudo chanteur, un député, bref tout un monde d'inutiles - sauf la pute - qui se prennent pour des écrivains, des vedettes, des personnages quand ils ne sont que l'écume de la médiocrité qui s'étale dans nos médias. Ces gens écrivent, pardon, font écrire des livres qu'ils signent et dont ils viennent faire la promotion sur les plateaux de télévision - le système est circulaire, il s'autoproduit, se gratifie, se con-gratifie. Si l'on fait la critique des œuvres insipides de ces crétins exhibitionnistes - il faut pour cela avoir beaucoup de temps à perdre - on est prié de le faire avec beaucoup de tact. Il faut leur dire que ce qu'ils nous apprennent - car ils nous apprendraient quelque chose ! - est très intéressant, qu'on se demande même comment l'on a pu vivre sans le savoir, il convient de s'extasier sur leur style de chiottes, de leur demander quand ils daigneront nous gratifier de la suite de leurs réflexions et expériences ... bref, il convient d'agir comme si Victor Hugo, Gide et quelques autres seigneurs des lettres de moindre importance s'étaient donnés rendez-vous sur le plateau. Rien ne vous empêche de flanquer à ces valets dès que les caméras ne sont plus sur eux, le bon coup de pied au cul que mérite leur imposture : ils s'en foutent, ils l'ont blindé et ce qui les intéresse, comme le public qu'ils "visent" c'est la frime de la télé.

L'opposition : Ne jamais se laisser dévorer par une opposition. L'écrit est le domaine qui permet de se dérober, d'être pour soi, non en dehors des influences, mais en réduisant au minimum les influences par réaction, négatives. L'expression des humeurs qu'on prend de certaines choses peut tromper un lecteur sur l'importance qu'elles ont à nos yeux. Seul compte finalement ce que j'absorbe et rien de ce que je rejette ne doit m'influencer surtout par opposition.

L'illusion : On l'appelle souvent espoir, elle est le lot de ceux qui ne pensent pas ou plus. On ne va aux abords des choses, là où on ne peut seulement, au mieux, aller, que quand on les a toutes abandonnées.

Les intellectuels. Ils portent entièrement la responsabilité de la baisse apparente du niveau général de culture. Non seulement ils cultivent prétentieusement un langage ésotérique, mais encore ils s'envolent dans l'irréel, l'artificiel, le "techniciel" laissant en friche l'espace de l'artiste par lequel se mesure une culture. A une époque où ils pourraient prétendre au public le plus nombreux qui ait jamais existé, les intellectuels sont défaillants par médiocrité. Contrairement à l'apparence, ce n'est pas la masse qui est responsable du désert culturel, c'est l'élite qui n'est pas à la hauteur.

Le Couple lecteur-auteur. L'auteur précède le lecteur, il lui est indispensable, cependant dans le couple, c'est le lecteur qui est actif. L'auteur est quant à lui idéalement passif. Je dis idéalement car il arrive trop fréquemment que des auteurs viennent perturber par des déclarations médiatiques la lecture de leurs œuvres comme si elles ne se suffisaient pas. Lire est un acte qui n'est pas sans rapport avec l'écriture. Une écriture dépouillée de ses principales difficultés. Moins un lecteur sait lire, plus il se rapproche, s'il est malgré tout attentif, de la fonction de l'écrivain. En effet, il réécrit sans cesse l'œuvre lue. C'est une grande supériorité de l'écrit sur le son et l'image que de provoquer la participation intensive du lecteur.

L'œuvre et l'écrivain. Il faut avoir beaucoup lu et avoir déjà, emporté par un mouvement d'enthousiasme, lu tout où grande partie d'une œuvre pour savoir quelle différence il y a entre lire, de temps en temps, un livre d'un auteur et se plonger dans la totalité de son œuvre. Une œuvre isolée ne livre pas un auteur mais la descente dans la totalité de ses écrits, dans les témoignages laissés sur lui, la connaissance de son époque quand elle est essentielle à l'œuvre, tout cela forme un ensemble "prenant" qui entraîne le lecteur dans une sorte de vie commune avec cet autre, l'écrivain. C'est aussi parce qu'ils lisent en général, au plus, un livre par an, d'un auteur vivant, que les critiques de presse, passent régulièrement à coté des écrivains intéressants. Evidemment, il leur arrive de vanter les qualités d'un ou de plusieurs de ses livres, mais comment pourraient-ils maintenir le lien des uns aux autres qui, seul, permet de discerner les fondamentaux d'une œuvre et de la découvrir dans sa richesse ?

Le style. Je ne suis pas loin de penser que le style - la petite musique comme disait Céline - est en littérature le ragoût des incapables et des impuissants. Un bon style s'efface devant l'ensemble qu'il forme avec le fond. Il n'est bon que dans la mesure où il sert le contenu, le met en valeur, il n'est jamais intéressant isolément sauf pour les pingouins qui se livrent à l'étude des œuvres en les disséquant ce qui est totalement contraire à leur esprit et relève d'un à-priori destructeur. Le style qui tourne à vide devient "truc", "façon", il est rapidement insupportable. La plus mauvaise critique qu'un livre puisse obtenir à mes yeux, est celle qui consiste à l'encenser pour son style en ne parlant pas du reste.

La phrase courte. Plus je lis, plus je deviens incapable de lire ces textes où une proposition correspond exactement à une phrase. Je sais que l'on conseille à ceux qui ne savent pas écrire de s'en tenir à la base : sujet, verbe, complément, mais cette façon d'écrire laisse penser que l'on méprise le lecteur en le pensant incapable d'accéder à autre chose, de plus, ce découpage sans liens tue les idées. Le dépeçage du texte entraîne sa mort ce qui semble naturel s'agissant d'un organisme vivant.

Les philosophes. Je me méfie de ces gens qui, pour la plupart, utilisent un langage ésotérique, écrivent de gros essais pour ne pas dire des petites choses. Je leur préfère ceux qui sont capables de faire passer leurs idées en mots de tous les jours, dans des œuvres de fiction. Ceux-là ne remuent pas du vent mais, quand ils sont habiles, illustrent, imprègnent. Il faut cependant reconnaître que les Voltaire et Anatole France sont rares et que peu de romanciers ont su plier le roman, la nouvelle, le théâtre ou la poésie aux idées sans en faire un détestable outil de démonstration. C'est peut-être également parce que la philosophie qui ne vise pas à nous faire mieux vivre est sans intérêt et que celle qui a ce but passe facilement dans les personnages pour autant que le romancier montre et renonce à prouver ou démontrer.

La ponctuation. J'en ai déjà parlé sur ce site, la ponctuation a ses règles que respecte qui veut. Pour moi, je n'en connais qu'une : donner le sens et le rythme du texte. Si immanquablement, une ponctuation bâclée comme on en trouve de plus en plus souvent rend la lecture impossible, au contraire, une ponctuation particulière, soignée, peut donner à un texte un élan particulier, révéler l'intention de l'auteur au-delà des mots. J'ai évoqué sur ce site ma surprise quand j'ai entendu Jacques Brel chanter les Bigotes. La présence qu'il avait sur scène donnait à son interprétation un autre sens, elle transpirait la haine alors qu'au travers d'un disque, la même chanson, ne marquait vraiment qu'une violente satyre. La ponctuation est à un texte ce que la présence de l'auteur-interprète était à la chanson : elle peut lui donner un autre contenu et en cela, pour cela, elle est libre de passer outre aux règles quelles qu'elles soient. D'ailleurs, pour avoir transcris des textes d'une autre époque, j'ai pu constater que les règles qu'on suit aujourd'hui n'ont pas toujours été pratiquées.

La morale. Rien n'est plus décourageant qu'un texte littéraire dont le seul but est de défendre ou propager la, ou une morale, sauf, peut-être, un texte immoral par plate provocation ou intérêt commercial. Les textes ouvertement immoraux, sauf par accident, ou géniaux - deux catégories extrêmement rares - sont d'un ennui épouvantable. Je leur préfère les textes subversifs que d'aucuns d'ailleurs considèrent, à tort, comme immoraux car, ils ne le sont en rien. La subversion des idées reçues, des arguments qu'emploient les tenant des pouvoirs et de la morale est hautement morale, elle est même la seule morale que l'on puisse recevoir sans remords.

Le pouvoir. La littérature qui s'intéresse au pouvoir dans un but autre que sa subversion est d'une telle pauvreté que seul le goût du public pour les stars médiocres qui le rassurent peut l'expliquer et expliquer le succès de ces biographies - l'emploi de ce mot étant un abus - qui fleurissent sur le nom de n'importe quel pantin. Un écrivain qui écrit "sérieusement" sur un homme politique, prostitue sa plume mais n'engage nullement la littérature à laquelle il n'appartient plus, quant aux grandes causes !!! ... (comme dirait Céline)

La haine d'un auteur. Elle relève parfois d'un choix et d'un refus si profond que rien ne pourrait faire revenir celui qui la ressent sur son sentiment. La haine, dans ce cas, est à la gloire de la littérature, elle est l'envers de ce que le lecteur capable de l'éprouver reçoit d'autres auteurs. J'ajoute, me concernant, que cette haine serait demeurée silencieuse si de prétentieux adeptes ne me provoquaient sans cesse par leur éloges et louanges aussi dithyrambiques que volontairement mensongères et leur façon de nier les autres.

Nouveauté. L'idée de nouveauté en littérature n'a de sens que si la nouveauté est soit fortuite, soit silencieuse. La nouveauté des écoles n'est que l'habit de l'ambition d'une génération ou d'un groupe de jeunes hommes au mieux impatients, souvent dépourvus de talents, parfois, dans le meilleur des cas, regroupés autour d'un homme de grande valeur utilisé comme porte drapeau. La nouveauté n'est ni un talent, ni une démonstration, en outre, il existe beaucoup moins de choses nouvelles qu'on le pense.

La presse. La presse s'est considérablement "délittératisée". A la fin du dix-neuvième siècle, les grands journaux quotidiens ouvraient leurs colonnes aux écrivains, aujourd'hui, des journalistes, infiniment plus médiocres que leurs confrères de cette époque, se lancent en littérature, je devrais dire en "livres". C'est un mouvement qui traduit la baisse de qualité de cette presse, parallèle à sa diffusion - j'assimile à la presse écrite, radio et télévision, les dernières étant le prolongement "moderne" de l'autre. Le mouvement est celui de l'accès d'un public toujours plus nombreux à l'information qui entraine immanquablement la baisse de qualité des organes qui la diffuse. La dépendance d'argent de cette presse, plus soumise à la rentabilité immédiate de ses commanditaires et à leurs intérêts politiques accentue ce phénomène de médiocrisation.

Les gens célèbres. Jadis, ils étaient caricaturés par la littérature qui faisait l'opinion, aujourd'hui, ils l'a font comme ils font "l'opinion". Elle ne peut pas, évidemment, avoir le même niveau. La fin de l'élite est liée à l'image et à sa superficialité, à la parole et à sa médiocrité brouillonne.

Le plaisir. C'est l'élément capital de la littérature. Une littérature qui ne donne pas de plaisir n'a pas de sens. Le plaisir pouvant être ambigu voire, douloureux. Je ne sais rien d'aussi complet que le plaisir que j'éprouve en découvrant telle phrase-idée, telle expression, au détour d'une lecture. Il y a également le plaisir que laisse en nous une œuvre. L'amour de Lucien Leuwen pour Mme de Chasteller, je l'ai ressenti toute ma vie pour l'avoir éprouvé sous ses fenêtres, à Nancy, quand j'avais dix-huit ans, comme j'ai partagé certaines complicités entre Lucien et son père. Un tel plaisir est enrichissement et anoblissement.

La langue. Richard Millet dit volontiers que son pays, c'est sa langue. Rien de plus vrai. Le mot de pays avec ce qu'il peut traîner de mythes ne trouve vraiment son sens que dans et par la langue où plutôt, la complicité qui peut se nouer entre les utilisateurs d'une langue est ce qu'on peut mettre de plus fort sous le mot pays. Il y a, hélas, plusieurs langues parlées dans un même pays monolingue et le moins qu'on puisse dire c'est qu'un acteur de téléréalité ou un "rappeur" n'utilisent pas la même langue qu'un lecteur d'Anatole France. Dire qu'ils n'ont rien en commun serait peut-être trop, mais qu'ils soient plus éloignés l'un de l'autre que le lecteur d'A.F. l'est d'un lecteur de Shakespeare est une évidence.

L'orthographe. Elle est trop compliquée et certains militent pour sa simplification. Qu'elle soit abusivement compliquée est certainement vrai. Ce qui me gêne dans ce débat ce n'est pas la volonté de simplifier, c'est que la raison de cette volonté est presque uniquement l'incapacité dans laquelle on se trouve aujourd'hui de l'enseigner telle qu'elle est. Et si, l'enseignement de cette orthographe compliquée, avait, par le passé, contribué à "dégourdir" les cerveaux ? L'argument de l'usage paraît imparable. Mais quand l'usage sera la langue des "SMS" et de la "tchat" d'internet, que feront nos tenants de l'usage ? A quoi se trouveront-ils réduits ? Ne nous inquiétons pas, c'est là un faux problème, puisque dans cette langue, il ne pourra être posé faute de mots.

Les textes érotiques. Il existe une catégorie de textes entre l'érotisme et le pornographique. Des textes qui décrivent complaisamment l'acte sexuel dans ses égarements et ses fantaisies. Ces textes sont rarement intéressants. Le principal reproche que l'on puisse leur faire est leur caractère répétitif. Bien entendu, on peut les faire varier par le renouvellement des personnages qui ressentent différemment, mais c'est là d'un intérêt limité dans un genre où l'important est ailleurs. Pour avoir écrit de tels textes, je ne leur donne que la valeur qu'ils ont dans le moment où je les écris : une réalisation. Ils sont des "actes sexuels". Lire ceux des autres, ce serait être voyeur ; ce que je ne suis pas, donner les miens à lire, ce serait être prétentieux et exhibitionniste ce que je ne suis également pas. Dans les librairies je ne vois même plus les rayons consacrés à ce genre d'ouvrages.

Traduire. Parler des traductions, c'est évoquer le problème de la langue ou des langues qu'on ne lit pas. J'ai beaucoup de difficultés à parler d'un écrivain que j'ai lu traduit. Il me semble toujours qu'une ou plusieurs dimensions de lui m'échappent. Rares sont ceux qui passent ce mur de la langue et que l'on "retrouve" par exemple dans des traductions vraiment différentes les unes des autres. Dostoïevski, le Malaparte de Kaput, Kafka ... Je me souviens qu'à la lecture de certains livres de Mahfouz, je m'interrogeais sur le traducteur ne sachant pas ce que je devais lui rendre de l'admiration que je ressentais. Certains auteurs comme Kadaré suivent de près les traductions de leurs œuvres (dans une langue - le français - qu'ils pratiquent), cela évidemment limite le problème mais ne le fait pas disparaître. La fidélité du traducteur peut se situer à différents niveaux. Une fausse fidélité tient au respect formel du texte, au mot à mot, alors qu'il faudrait une équivalence, très difficile à obtenir puisqu'elle suppose la connaissance totale, parfaite, des deux langues concernées et une pénétration totale de l'œuvre traduite. Au-delà des problèmes techniques, il y a la fantaisie de certains traducteurs. Tel fera disparaître l'ironie des textes de l'auteur traduit, tel autre ira jusqu'à inverser des chapitres voire en supprimer.

La déclamation. Les poèmes peuvent être déclamés comme le théâtre, encore qu'il existe une poésie tellement intime qu'elle ne supporte que le murmure d'une lecture silencieuse, le roman, les essais, les nouvelles ne sont pas destinés à cela. La lecture est une intime relation entre l'auteur et chaque lecteur, un discours plaqué sur le discours intime de ce dernier, ce long monologue par lequel on existe et sans lequel on ne vit plus même dans l'action qui n'a jamais été qu'oubli. Que penser alors de ce public qui vient applaudir des bonimenteurs de foire foraine déclamant du Céline ou d'autres textes ? Cela participe de la foire commune autour du livre, de la littérature qui ne manque pas de ces admirations futiles d'actes superficiels qui n'ajoutent rien, ne prouvent rien, existent à peine. Détournement de parole, mise en valeur de sons, paroles creuses qui ne se trouvent un instant que dans le grotesque qui se substitue non à la pensée mais au mystère de cette mêlée charnelle de l'auteur, verbe figé, et du lecteur qui le ressuscite en réinventant, à sa manière, son mouvement.

Du Pamphlet : Il y a toujours eu des pamphlétaires et parmi eux des auteurs dont le ton est en permanence celui du pamphlet et de la polémique. Quelques auteurs catholiques par exemple sont de cette trempe, Léon Bloy, Hector Hello et presque Claudel, le converti pourfendeur d'incroyants ou Bernanos l'ennemi des tièdes. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde feutré qui n'aime pas que ses saloperies soient l'objet de débats publics. Libéraux esclavagistes ou socialos mous bienpensants, voudraient nous voir nous assoupir dans un monde de rêve et de douces polémiques polies style débats de télévision mielleux ou fielleux aigre-doux, duels ou face à face glaireux, droite-gauche tous unis dans un même endormissement ou combat sous chloroforme. Et bien non ! Il est nécessaire de foutre des coups de pieds dans cette fourmilière d'hypocrisie, de jocrisses profiteurs, de vitrioler cette fausse confrontation de postures minables, de comédie, ce spectacle pour jobards et pigeons. Alors, alors, il y a les lecteurs, les jeunes lecteurs adorateurs de l'un ou l'autre. Ceux à qui ont a appris que respecter l'autre c'est croire aveuglément à ses bons sentiments, à qui on a appris ... à qui l'on n'a rien appris, c'est bien le problème sauf à prendre la posture du piedaucuté permanent, penché en avant, les deux mains sur les genoux à l'horizontale, prêt à s'étaler de tout son long. Ces braves idiots sont pleins de formules toutes faites. Si vous contestez violemment, vous portez des jugements sommaires, si ces jugements sont sommaires, ils n'ont rien à voir avec le réel ... La machine à laver les cerveaux est passée par là ! Les mêmes vous disent cela et ... vous prient de les renseigner plus sur des sujets qu'ils vous accusent de ne pas connaître ! Jeunes gens, l'irrespect, pas celui des vieilles dames que l'on bouscule dans la rue, mais celui des connards qui prétendent nous gouverner et qui nous prennent chaque jour pour des cons, ils ont raison puisqu'ils ont été mis par ceux-là même qu'ils méprisent où ils sont, est un devoir ... C'est une œuvre de salubrité publique. Il ne faut croire en rien de ce que l'on vous propose. Il est toujours de bons maîtres pour vous apprendre à présenter votre cul aux coups, cela ne tient qu'à vous de passer derrière eux à votre tour ! Et il n'y a pas que les politiciens pour se foutre de vous, les professeurs, les intellectuels - un mot vide de sens -, les philosophes, les artistes à message, les écrivains, les chanteurs décervelés qui se découvrent des vocations, les champions de l'humanitaire, les gourous - saletés, saintetés, papes, bouddhas, mohameds de pacotille -, tous n'en veulent qu'à vos biens et d'abord au plus précieux : à votre indépendance d'esprit.

Chercher : Serge Murat, un Monsieur qui écrit dans le Grognard, écrit : "Il existe en fait parmi les animaux bavards que sont les hommes, deux catégories : ceux qui cherchent, et ceux qui ne cherchent plus parce qu'ils pensent avoir trouvé." (Décembre 2007) C'est oublier ceux qui, comme moi, ne cherchent plus parce qu'ils savent qu'on ne trouve jamais rien. Il n'aurait pas précisé "ceux qui ne cherchent plus parce qu'ils..."  qu'il aurait pensé juste... mais inutilement. A moins qu'il ne faille également évoquer ceux qui n'ont aucune idée de ce qu'est "chercher" et qui, bien entendu, ne peuvent pas vraiment être classés parmi ceux qui ne cherchent pas ! Reste les silencieux puisqu'on ne parle ici que des bavards.

Les musiques rythmées : Techno, rap, que les textes soient bons on pas, il n'y a là que machines à décerveler. Le rythme est chargé de faire passer des messages au-travers de l'intellect. Ne pas penser, recevoir en rythme, en symbiose avec l'officiant. Que ce soit le talentueux Grand corps malade ou un rapeur imbécile du trentesixième dessous, tous participent de cette machine à abrutir qui réussit fort bien. En littérature Céline recherchait déjà les mêmes effets par sa prose coupée, hachée, mettant la langue en miettes et s'appuyant sur des concordances sonores, de sens, reçues hors conscience. On peut utiliser la même technique avec la mélodie quand elle est incantatoire, l'Eglise catholique sait très bien faire cela, les évangélistes du Christ-dollar préférant quant à eux le rythme et la secousse corporelle et transformant leurs temples et églises en salles de spectacle.

Une œuvre postmoderne : Moderne, cela ne signifie pas grand chose, peut-être contemporain, mais alors pourquoi employer cet adjectif prétentieux dénué de sens ? Mais, le progrès étant toujours là, nous avons maintenant les œuvres postmodernes. Par exemple la Vie sexuelle de Catherine Millet. Ne me demandez pas ce que cela signifie mais je peux vous prédire que nous aurons encore plus con, il suffit de patienter.

"Mais il y a du travail ... Vous ne pouvez ignorer ce travail !!!" Voilà un des plus ridicules arguments qu'il m'ait été donné d'entendre dans la bouche d'un auteur défendant son œuvre ! " Comment, vous avez vraiment travaillé pour produire cela ! Alors, c'est encore pire !"

 Abécédaire, dictionnaires de ... et autres œuvres de citations : Il paraît depuis un bon nombre d'années, beaucoup de livres de ce genre : dictionnaire Marcel Proust, Balzac, Zola, de l'Amour, de la Bible et autres. Pourquoi parler de ces œuvre individuellement. Je reprendrais ici une partie d'un texte écrit au sujet de l'un d'entre eux : "livre pour gens du monde, crétins et autres décérébrés" ; " pourquoi alors se donnerait-on la peine de lire l'auteur. Je déteste cette culture au rabais faite de choix qui perdent toute leur signification et que des auteurs à court d'imagination nous servent sur tout et rien. De Napoléon à la Bible en passant par toutes les guerres, l'Egypte et autres sujets de mode, nos étagères pourraient bientôt craquées sous le poids de ces livres de culture raccourcie pour hommes pressés, boursicoteurs, escrocs, arrivistes et autres cocaïnomanes. Mieux vaut lire même le plus mauvais livre des auteurs concernés ou la plus mauvaise étude sur un sujet." En effet nous ne sommes plus avec ces livres dans l'incitation à lire, mais dans le résumé abusif qui dispense de lire ou d'étudier. Nous sommes en face d'une sous-culture d'hommes pressés - sans raison, c'est toujours sans raisons que l'on est pressé, le plus souvent par paresse, futilité. Quant aux auteurs de ce genre d'ouvrages, ne feraient-ils pas mieux de consacrer leur temps à des critiques "positives" qui donnent, elles, envie de lire.

 DESENCHANTEMENT DE LA LITTERATURE : J'avais prévu de commenter le pamphlet de Richard Millet, mais qui suis-je pour me permettre cela ? Ce petit livre a, on le sait, suscité beaucoup de commentaires et l'indignation de la Vertueuse Tribu jamais bien éloignée de la littérature qu'elle voudrait censurer, convertir à ses idéaux, étouffer sous son amour illimité d'un Bien qui n'est, somme toute, que la somme de ses préjugés. L'affaire Peter Handke, a beaucoup irrité dans cette tribu, la section des valets du Turban, plus puissante chez nous qu'à l'époque où Louis XIV recherchait l'alliance de la Sublime Porte. Il est vrai que ce dernier ne faisait que de la politique, les sots d'aujourd'hui font dans le Grand Principe, c'est fort différent et il semble que moins le principe est divin, plus il est sacré. Peter Handke est un des grands talents de notre temps, il est amusant de voir les bouffons, les crétins de la plume, les philosophes du journal de vingt heures, fustiger son amour de la Serbie, ce pays trahi par la France, où l'on a laissé de nouveau se faufiler l'uniforme nazi, excusez, allemand, c'était le même, quand même ! Il est des endroits où il ne peut plus apparaître ailleurs que dans des défilés de quatorze juillet présidés par des vieillards oublieux, et encore ... Oradour, Tulles, Mont Valérien, Drancy ( où il était bien servi ) ... Je ne commenterais donc pas ce livre (je l'ai quand même fait) qui m'a tour à tour et parfois simultanément irrité et satisfait ce qui est la marque du nécessaire. Je me contenterais de donner ici, où elles auraient trouvé leur place, isolées, les idées qui me sont venues à l'esprit au fil de cette lecture sans prétendre qu'elles aient un rapport direct avec ce qu'a écrit ou dit Richard Millet. Il y a en tout lecteur en effet, un écrivain qui se réveille sous la lecture, l'auteur de la chose lue n'est aucunement responsable de cette chose écrite qui en découle parfois par des enchainements si lointains qu'ils n'apparaissent pas.

Mon territoire, c'est la culture, celle que je m'approprie. Elle ne tient que de moi et est donc condamnée à disparaître avec moi sauf la mince trace que je pourrais laisser. Incomplète, imparfaite, douloureuse, source de vie et de plaisir, je sais que le contexte qui l'a permise disparaîtra, passera, ne laissant que des signes devenus incompréhensibles parce que cela semble le sort de l'écrit.

La revendication de considérer l'écrivain selon ses écrits et seulement ses écrits, la volonté d'effacement du corps de l'écrivain au profit de l'œuvre, sont-elles compatibles avec l'origine orale - le barde - de la littérature ? Et les postures de l'écrivain au cours des siècles ne la contredisent-elle pas ?

L'écrivain n'a-t-il pas toujours pris le risque d'être maudit en raison de ses opinions ? Ou maudit par son époque, ou maudit par celles à venir selon le renversement des valeurs qui se sera produit ? Peut-on juger de la littérature en s'engluant dans le rapport qu'elle entretient avec la morale ? Pourquoi la société serait-elle seule coupable d'émettre des jugements et l'écrivain toujours innocent ?

L'Islamisation - toute, très, relative - de l'Europe ne me plaît pas plus que me plairait sa "re"christianisation parce que je sais et ILS me le prouvent les uns et les autres chaque jour, que les religions sont incapables de tolérance, de respect de la liberté d'autrui qui va jusqu'au droit de pisser sur Dieu et ses prophètes auto proclamés.

Oui, la Serbie s'est mise en posture d'être frappée, oui, elle a été traité injustement au plan du territoire : on lui a appliqué - sans les énoncer - des principes qu'on ne lui appliquait pas quand ils lui devenaient favorables. Oui, la Bosnie telle qu'elle existe, est une création contre nature, imbécile au regard de l'histoire autant que de sa population. Oui, une des défaillance dans le traitement du "problème yougoslave" a été la lâcheté française, une France servile, à genoux devant l'Amérique fricarde et l'Allemagne renouant avec la politique de Guillaume II et de Hitler en soutenant les fascistes croates.

Oui, le retrait est un réflexe normal de tout écrivain confronté à l'imposture de la posture médiatique. Mais ... avec du génie, l'écrivain ne peut-il pas circonvenir cette posture, utiliser à son profit la comédie médiatique ?

La seule véritable justification de l'écrit n'est-elle pas sa capacité à atteindre, mobiliser, intelligence et sensibilité là où l'image n'éveille en général que la sensiblerie.

En regardant le pire de l'image actuelle, je me suis souvent demandé quel lien de parenté avait cette vague de médiocrité avec la littérature ? Si, par exemple, elle ne puisait pas aux même sources après les avoir totalement asséchées ? Les médiocres n'auraient-ils pas pris simplement la parole dans les mêmes domaines après s'être appropriés les outils de communication ? Avec comme seul mobile, non la connaissance de l'homme, mais l'exposition impudique des misères de tout genre. Une prise de parole qui tue la parole. Quel défilé ahurissant de bancals, d'infirmes, d'idiots, d'ignobles, de crétins, d'exhibitionnistes cela a donné !

N'est-ce pas un formidable aveu de faiblesse que de s'avouer vaincu par la grande vague médiocre ? Elle occupe la scène, mais ne l'a-t-elle pas toujours occupée ? Chaque vague meure et est oubliée de sa belle mort !

Pourquoi me semble-t-il que le mot "égalité" soit toujours mal utilisé par ceux qui le brandissent comme par ceux qui le haïssent ? Il y a pourtant une notion simple et modeste : égalité de droits ! Mais l'égalité de droits inclus forcément celle d'égalité de chances ! Et la nature ne s'oppose-t-elle pas à cette dernière ? Alors : égalité sociale de chances !

Il m'a toujours semblé que dans les affaires humaines, la raison est élément de folie parce que toujours incomplète, insuffisante, et impliquant des positions définitives. On ne peut l'évoquer que timidement, en s'interdisant de théoriser sur ou par elle.

Regarder en souriant, quoi qu'ils fassent, les hommes s'agiter, est-ce encore possible ? Ou bien est-ce impossible seulement à certains moments qui ne doivent pas porter leur ombre et leur reflet sur le reste du temps des hommes ?

Que l'art ne soit pas soumis à la morale n'implique pas qu'il soit immoral. D'ailleurs moral et immoral sont des mots vides de sens dans le temps !

On se fait beaucoup d'illusions sur les penseurs qui ne font que mettre de la raison sur leurs sentiments et les passions qui en découlent.

Il faut laisser la théorie aux philosophes, comptables habituels de la boîte à sottises, le romancier a quant à lui, pour domaine la vie. Témoigner, plonger, se perdre, couler, rebondir, se battre ...

Voir également : En lisant Richard Millet

Modiano prix Nobel de littérature : C'est avec plaisir et surprise que nous avons enregistré cette attribution de Prix Nobel. Modiano est un bon écrivain, un de ceux qui font encore honneur aux lettres françaises, rien à voir avec ce crétin malhonnête de Le Clézio. Nous avons vu le lauréat tellement stupéfait qu'il ne pouvait commenter cette consécration et il faut lui rendre cet hommage qu'il a accueilli avec humilité l'honneur qui lui est fait dont d'autres auraient profité pour remuer gesticulacieusement leur petites épaules tout en grimaçant de la face contractée à la mode de Qui-vous-savez ! Si le prix devait revenir à un Français, nous sommes satisfaits que ce soit lui qui ait été retenu, je n'en vois pas de meilleur pour cette reconnaissance ! Dirons-nous après avoir dit tout le bien que nous pensons de Patrick Modiano, que nous sommes autant surpris que lui de cette attribution. Mais puisque le jury du Nobel est ce qu'il est, une assemblée de bouseux incapables de juger par eux-mêmes et soumis à la dictature des Académies nationales et des petits cons médiateux (parfois devenus vieux ...), ne nous étonnons pas, encore une fois, qu'un Ismaïl Kadaré ne soit pas couronné ! Il a un nom qui aux nez scandinaves pue le musulman et l'Académie d'Albanie n'a certainement pas le prestige de la Française dans les salons vikings des héritiers dynamites ! En attendant, félicitations chaleureuses au quinzième prix dynamite de littérature français !

Sully Prudhomme, Frédéric Mistral (écrivain provençalophone), Romain Rolland, Anatole France, Henri Bergson,  Roger Martin-du-Gard, André Gide, François Mauriac, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Saint John-Perse, Claude Simon, Gao Xingjian, Jean-Marie Le Clézio, Patrick Modiano,

Cette énumération chronologique, la seule possible avec l'alphabétique, me fait penser à la mode imbécile lancée et exploitée jusqu'à la nausée par tous les médiamerdeux : les classements des (dix, cent ...) meilleurs trucmuches ! Ces classements outre qu'ils sont falsifiés, qu'ils font appel au premiers crétins qui passent dans la rue ou aux sélectionnés des Instituts de sondage qui ne recueillent jamais l'opinion de ceux qui dégueulent les instituts de sondage, sont un des bourre-programmes ou noircisseurs de papier les plus nuls et les plus éculés de notre pauvre époque ! J'ai souvent eu l'idée, en réponse à ces classeurs, de faire le classement des cent plus beaux cons, mais, outre que je ne peux prétendent à les connaître tous, il en est de la connerie comme du reste : elle est humaine donc relative et inclassable par nature !

 LITTERATURE ET TELEVISION

Une sorte d'assassin sévit sur les ondes de la télépublique, une télévision, je vous le rappelle, censée cultivée et que vous payez directement de vos deniers sonnants et trébuchants pour cela, en fait on a bien l'impression que c'est elle qui trébuche pour ne pas dire qu'elle se casse tout à fait la gueule. Ce malfaiteur qui s'est auto proclamé spécialiste en littérature a rejoint le groupe Lire : le tirage est le critère unique de valeur. Il fallait entendre ce ramassis de crétins subventionnés autour de Marc Lévy, un plumitif de bas étage qui ferait des états d'âme sous les coups répétés d'une critique qui traite ses œuvres pour ce qu'elles sont : des savonnettes que l'on débite par piles dans les supermarchés. Le tirage n'a rien à voir avec le talent. Le même con télévisieux qui porte aux nues monsieur grosses ventes, petit style et vide absolu, expédie en un tournemain méprisant le meilleur écrivain français vivant : Richard Millet. Boboïsme hérissé aggravé par les petits tirages, une lecture difficile pour les intoxiqués de l'image, c'est évidemment trop, l'écrivain d'un autre type pour eux c'est tout au plus Yann Moix cet attardé de 1932, envieux aigri qui n'a ni gros tirages, ni notoriété autre que celle de la bouffonnerie et qui traîne sur les plateaux sa bonne gueule d'attardé célinien vociférant.

Il faut le dire : il y en a marre de ces coteries qui trustent la culture à télémerde et dont la nullité n'a d'égale que la pontifiante sottise. De ces auto congratulations de ligue de coquins. Laissons cette culture aux chaînes privées sur lesquelles les éditeurs en mal de tirages pourront promouvoir - à leurs frais cette fois - leur littérature de chiottes et de supermarchés.

 

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