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LES ŒUVRES : Leurs œuvres

 

PIERRE VILLETARD (de Prunières )

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Difficile de dire qui était Pierre Villetard de Prunières, Pierre Villetard en littérature. René Boylesve lui consacre un court article dans Profils littéraires, recueil posthume de textes critiques. S'il est relativement aisé de se procurer quelques ouvrages de cet auteur, ce qui est le cas de beaucoup d'autres écrivains qui eurent leur heure de notoriété avant que d'être totalement oubliés, tels seront peut-être demain, souhaitons-le, les Nothomb ou Angot ; il est beaucoup plus difficile de savoir qui il fut, en effet, les dictionnaires de littérature l'ignorent et bien plus encore les Histoires Littéraires, ce qui est somme toute assez normal. Né en 1874, neveu de Augustin Filon qui écrivait et qui, lui aussi est aujourd'hui un parfait inconnu, il reçut en 1921 le grand prix du roman de l'Académie Française peut-être un peu sur l'influence de René Boylesve. L'Abbé Bethléem lui consacre une notice d'une page dans la rubrique " romans mondains " dont je reprendrai ici la définition donnée par ce bon abbé et qui me semble finalement parfaite : " Romans mondains ou romanciers dont certaines oeuvres peuvent figurer dans la bibliothèque des gens du monde et être lues par des personnes d'un âge et d'un jugement mûrs. " Cette courte notice que lui consacre l'abbé est la seule chose un peu consistante hors le petit article de René Boylesve, que j'aie trouvée concernant Pierre Villetard, preuve qu'on peut survivre par les censeurs.

Pierre Villetard est un honnête travailleur littéraire. Au-dessus de ce que l'on appelle roman à l'eau de rose, en dessous des romans psychologiques par un certain manque de densité, n'ayant pas recours comme le souligne Boylesve à une profusion d'événements pour meubler le désert, certains de ses ouvrages tels Le château sous les roses - décidément l'époque n'avait pas peur des titres - mais Les particules élémentaires est-ce mieux ? - restent d'une agréable lecture qui ne risque pas de donner la migraine.

 

Petite rectification en forme de précision :

D'abord on trouve des traces de Pierre Villetard dans différentes revues de son époque et sous la plume de certains critiques au nombre desquels Henri Ghéon qui est fort positif. Pierre Villetard faisait partie des auteurs annoncés par la première Nouvelle revue française, était-il du groupe Montfort ou de celui de Gide ? Il avait collaboré à l'Ermitage et aussi à la Plume. J'ajouterai que mon premier commentaire, peut-être imprudent, faisait suite à la lecture du Château sous les roses, deux autres lectures dont La maison des sourires, qui manqua de peu paraît-il le Goncourt 1905, m'incitent à revenir sur mon jugement. Pierre Villetard sait à partir d'une écriture légère, restituer des ambiances, retracer des vies, faire sentir des tristesses, le pathétique des luttes de gens simples et c'est là un art assez rare pour susciter une certaine admiration. Il a un style clair, direct, tout en nuances, il nous donne une sorte de roman réaliste qui évite les écueils habituels de ce genre : le misérabilisme ou une certaine outrance. Il choisit ses personnages non pas dans les extrêmes qui donnent des sujets à l'épate, mais chez le type moyen qui est propre à restituer une époque et un milieux. Toutes ces qualités expliquant largement l'admiration que lui témoigne René Boylesve.

On trouvera sur Wikipédia une bibliographie incomplète et parfois erronée de l'œuvre de Pierre Villetard.

 

LE CHATEAU SOUS LES ROSES (1921) : Un jeune homme, tôt orphelin, est élevé par sa tante, une femme à principes, bonne et honnête mais peu démonstrative et réservée. Il ne lui arrive pas grand chose si ce n'est un séjour dans une bastide héritée d'un oncle au cours duquel il va faire la connaissance d'une famille riche dotée de trois filles évaporées et d'une mère originale. Il tombera amoureux de l'aînée des filles qui lui rendra son sentiment, mais tout se passe en silence et l'on sait finalement bien peu de choses des émois des protagonistes. La guerre arrive alors que des liens auraient peut-être pu se nouer. Notre héros est mobilisé, il se bat bien mais on le voit peu le faire et, blessé, est fait prisonnier alors qu'on le croit mort. La jeune fille se marie, la tante meurt, la guerre se termine et notre héros entreprend un pèlerinage à la Bastide où il ne pense pas retrouver sa jeune demoiselle mais ... On se demande comment l'auteur parvient à éviter une analyse plus sérieuse de son personnage, on est surpris qu'il puisse meubler ainsi les quelques deux cent cinquante pages du roman avec une intrigue aussi légère et tant de choses seulement effleurées. Le livre est bien écrit, c'est le roman de ce qui ne se passe pas. C'est aussi de la bonne littérature "de consommation" qui date de presque un siècle, permet-elle de mieux connaître une époque ? Oui, si l'on ne souhaite pas aller bien loin dans les tourments de ceux qui en subissaient les contraintes, mais ces contraintes entraînaient-elles de grands tourments ? Le héros de Villetard donne plutôt l'impression de passer à coté de la vie, c'est un mal de toutes les époques sous des formes différentes. Elevé dans une ambiance certainement un peu plus libre mais pas si différente, quarante ans plus tard je suis encore en mesure d'entrevoir ce que l'auteur ne décrit pas certainement parce qu'il le tient pour naturel. Il y a dans ce livre de nombreuses descriptions de paysages, d'environnements dans lesquels les fleurs, les plantes, tiennent une grande place et cela nous semble aujourd'hui appartenir à une littérature un peu surannée, mais Madame Colette, qui se situe à un tout autre niveau, appartenait et le montrait bien à cette culture. N'est-ce pas parce que nous sommes vraiment devenus des hommes des villes ? Des étrangers à la nature ? L'île de France par exemple, n'était pas cette énorme conurbation urbaine de cent cinquante kilomètres de diamètre et de quelques dix millions d'habitants qui vont s'entasser à HLM sur plage ou Cité sur neige pendant leurs vacances, traversant la France sur des autoroutes et dont les enfants quand ils découvrent une vache, un cochon ou un mouton ont la réaction que nous avions devant un tigre ou un lion ? Nous n'avons soit disant pas le temps de lire les descriptions, combien de fois ai-je entendu des lecteurs trop pressés l'affirmer, la vérité ne serait-elle pas plutôt que nous n'avons pas envie qu'on nous décrive cet enfer urbain dans lequel nous vivons et où l'artificiel, même "beau" devient laid parce qu'ils nous emprisonne ? Nous ne sommes plus habitués à lier nos émotions aux paysages parce que l'absence de paysages réduit nos émotions à des réactions maladives que toute une population de psy s'attache à nommer et définir. Un tel roman un peu désuet a été écrit un siècle après Lamartine, alors que l'ombre de Victor Hugo rôdait encore.

 L'ÎLE SANS LENDEMAIN (1926) : Le rêve, le rêve éveillé, provoqué, entretenu, peut-il compenser et sauver une triste réalité ? Quelle est la part de ce rêve dans chacune de nos vies, sur quels supports ? César Putel, médiocre petit bonhomme va faire l'expérience d'une royauté sans limite, en s'exilant régulièrement de sa sous-préfecture du sud de la France au pays des Broum-broums dont il est le roi absolu, maître de tous et surtout, de toutes les femmes. Pierre Villetard traite avec humour mais une grande attention, ce sujet sérieux et nous mène dans la difficile construction de cette vie rêvée qui peut, dans la vie réelle, avoir de relativement dangereuses résonnances et, surtout, qui reste limitée par l'expérience du rêveur. On ne peut rêver que ce que notre expérience nous permet d'imaginer. César Putel qui n'a pas vécu, ne lit pas, rêve court. Quand il remarque une de ses sujettes, qui a le visage d'une jeune femme ou jeune fille de la sous-préfecture, il prépare pour elle un joli cocon, il le décore, il le soigne, mais il ne réalise guère des fantasmes hors de sa portée. César Putel pourrait, par son insignifiance représentative, être un héros de Boylesve, il ne lui arrive vraiment rien même si un malheureux avatar du royaume des Broum-broums lui vaut une pleurésie, met sa vie en danger et est à deux doigts de révéler ses turpitudes rêvées. Le ton léger, le style clair et vif de l'auteur, font de cette lecture un petit plaisir et classe Pierre Villetard à mi-chemin de Ludovic Halévy et de Boylesve.

 LA MAISON DES SOURIRES (1905) : C'est un des meilleurs romans de cet auteur et c'est sa première œuvre. La Maison des sourires, où tout est feutré, caché, où le sourire tient lieu de passeport, coûte la vie de son bâtisseur le gentil notaire de province, Edouard qui, ruiné, se suicide d'un coup de revolver. Kate et Gladys, les deux sœurs cheminent ensemble dans une vie difficile assumée par l'aînée et vivent les aventures tristes des femmes dépendantes. Kate se fane, les protecteurs se tournent vers ses filles, deux jumelles. Gladys entretient petitement aux dépens de sa sœur une sorte de vilain monsieur dont elle est éprise ... Colette, l'amie fidèle sa fille, le fils de Gladys, complètent la famille de cette maison. Dense, sans intrigue autre que la vie banale de ces femmes et de leurs enfants, ce livre parvient à prendre le lecteur. Tout en nuances, en petites touches, les sentiments, les actes sont suggérés avec retenue et discrétion, nous sommes très loin de la littérature pornographique et vulgaire d'un Pierre Louys (Trois filles de leur mère, illisible) ou d'un Apollinaire (les Onze mille verges, idem), le récit capte et attache à ces malheureux destins. Pierre Villetard s'affirme avec ce premier roman comme un petit maître de cette école réaliste-discrète, de la vie banale, qui s'attache aux personnages représentatifs succédant aux excès de ses ancêtres attachés aux personnages extrêmes.

 

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