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LES ŒUVRES : Leurs œuvres

 

REBELL ET BOYLESVE

RENE BOYLESVE

ou

HUGUES REBELL

 

On le sait René Boylesve et Hugues Rebell furent amis. C'est à l'instigation de Hugues Rebell que René Boylesve écrivit les Bonnets de dentelles, première version romanesque de La Becquée. Le Médecin des Dames de Néans, première oeuvre de Boylesve est dédiée à Hugues Rebell tandis que les Chants de la Pluie et du Soleil, l'oeuvre majeure de Hugues Rebell sont dédiés à René Boylesve.

Dédicace du Médecin des Dames de Néans :

" A HUGUES REBELL  - Mon cher ami, je vous dédie ce livre où, à défaut de qualités, je souhaite que votre haut et pur jugement découvre mon désir de suivre ici ces bons conteurs  français pour qui nous mîmes tant de fois notre prédilection en commun. C'est d'eux que Taine dit: " Ils effleurent le ridicule; ils se moquent sans éclats... ils ont l'air de n'y point toucher, un mot glissé montre seul le sourire imperceptible. Cela n'a rien de commun avec la franche satire qui est laide parce qu'elle est cruelle; au contraire, cela provoque la bonne humeur; on voit vite que le railleur n'est point méchant... tout son désir est d 'entretenir en lui même et en nous un pétillement d'idées agréables. »

Je donne ici, en l'offrant à l'appréciation des lecteurs un extrait de La Femme qui a connu l'Empereur, de Hugues Rebell, qui pourrait bien constituer une caricature des débats qui doivent bien avoir eu lieu entre les deux amis au sujet de leurs conceptions réciproques du roman.

 

"Les deux écrivains s'accordaient à trouver que rien ne vaut la « réalité vraie », c'est-à-dire l'histoire d'un homme dont l'existence est si simple qu'elle peut se passer d'être contée.

- Mais alors, disait-on, à quoi bon l'écrire?

- Les événements importent peu, répondait Joséphin Corvineau. Seule nous intéresse la vie intime, discrète, des plus modestes et des plus humbles. Une intelligence vaste,  une passion violente, des faits inaccoutumés, nous répugnent. La démocratie n'a pas besoin d'actions d'éclat ni de grands hommes. Sa littérature doit donc s'inspirer des sentiments qui sont à l'usage de tous d'émotions douces et attendrissantes. Pour ma part, je compte écrire l'histoire d'une pauvre femme qui passe son temps à laver et à étendre du linge, se reposant de ses travaux en arrosant, le soir, une petite plante qu'un vieillard charitable lui a donnée. Voilà tout mon sujet: il n'est pas compliqué, mais il peut prêter à la plus noble pitié, au plus précieux enseignement. J'ose prétendre qu'une telle œuvre doit être d'une grande bienfaisance sociale.

Un voyageur qui avait parcouru le monde et en avait apporté de riches aventures, Alexandre Dorlinière, tenait tête aux deux romanciers avec une sorte de dédain.

- Vous ne m'amusez pas, disait-il, avec vos héros qui s'émeuvent de ne rien faire : croyez bien que le rapt d'une belle femme, la maîtrise d'un cheval de sang, le coup de fusil d'un soldat à la guerre ou d'un chasseur dans une forêt, sont des actes d'une si haute vertu humaine qu'il suffit de les avoir accomplis une fois pour en être enivré. Ceux-là mêmes qui sont privés de les accomplir par votre prétendue civilisation ont besoin de se les rappeler pour ne pas, de temps à autre, être absolument paralysés. Quant à ce que vous nommez la réalité  vraie de la vie; j'avoue ne pas bien savoir ce que c'est. Tout ce qui existe fait partie de la réalité, et nos désirs d'action ont autant d'existence que des actes accomplis, puisqu'ils sont le souvenir d'actes anciens  ou le désir d'actes futurs. Ce qu'on juge impossible est possible par cela même qu'il est conçu. Qui eût prévu Napoléon 1er  en 1789 ou Napoléon III  en 1830 eût passé pour un être chimérique. Cela n'a pas empêché l'Empire... Je ne sais pas, je vous répète, ce qu'est votre réalité vraie; si c'est un tableau de la vie commune et médiocre, l'esprit humain, qui aspire toujours à agir et à s'élever, doit s'en garder comme d'une humiliation comme d'un abaissement."

Est-ce par hasard que l'un des deux écrivains s'appelle Corniveau alors que la maison objet du litige dans l'Enfant à la Balustrade est la maison Colivaut? Roman psychologique où l'action est réduite au minimum, c'est la conception de René Boylesve, roman d'aventure qui rebondit à chaque chapitre, dans lequel les personnages changent d'identité et même parfois de personnalité, c'est la conception de Hugues Rebell! Ce n'est certainement pas non plus par hasard que le porte parole de Rebell serait Dorlinière, pas écrivain mais voyageur ce qu'était aussi Rebell.

Nietzsche contre Freud, le roman picaresque que j'évoquais en parlant de La Femme qui a connu l'Empereur de Rebell, devenu roman d'aventures contre le roman psychologique!

15 février 2003

* * *

En 1894, c'est à dire à une époque où René Boylesve n'avait rien publié hors quelques nouvelles dans des revues littéraires, tandis que Rebell publiait sa première oeuvre importante, Les Chants de la Pluie et du Soleil, Rebell et Boylesve firent chacun, un court portrait de l'autre pour un livre collectif : Portraits du prochain siècle.

René Boylesve par Hugues Rebell : 

"En cette époque d'indifférence et de pose banale, comme je vais avec joie à ceux qui subissent l'enchantement de la vie! René Boylesve est l'un de ces rares. - - Felix qui potuit rerum cognoscete causas!  - Heureux, dirais-je à mon tour, celui qui voit la beauté de tout ce qui l'environne, Celui-là vraiment est un symboliste et un idéiste. L'Ame de la nature! L'Ame des ruines! L'Ame de cette humanité fugitive au milieu de laquelle nous passons! - avec elles s'unirent ces grands hommes, nos saints à nous! Chateaubriand, Byron, Vigny, Keats, Shelley. - René Boylesve s'avance de même pour cette divine communion. Il nous dit la terreur et la joie que nous cause le spectacle de la montagne, comme aussi la volupté somptueuse  et l'orgueil de la Venise des doges. A propos d'un pastel de Point il recréera la grâce délicate et fine de la femme moderne comme devant des statuettes de Tanagra,  il évoquera les joies des peuples morts. Mais passionné à la façon des antiques qui ne violèrent point  la noblesse ni la simplicité naturelle, il ne gâte jamais ses sentiments par une expression exagérée et comme il ne sied point de livrer son âme aux marchands de ce siècle, il la pare et la déguise au besoin avec des ironies. Ainsi s'explique le beau sourire tranquille que je lui vois et qui me fait songer à certaines statues de Jean de Bologne. Ce sourire indique un esprit dominateur qui gouverne les mille impressions de la vie, soucieux avant tout de se créer une personnalité une et harmonieuse."

 

Hugues Rebell par René Boylesve :

"Dans un jardin de plantes étiolées, un bel arbre; parmi une génération maladive ou affolée, un Homme. tranche sur tout le milieu comme l'éclat d'un phare sur la nuit. Je le fâcherais pourtant en disant qu'il est à part; car il n'a point l'orgueil de s'être frayé un sentier original, mais déplore d'être isolé sur la grande route que tout le monde devrait suivre. - Un jour, chemin faisant, tandis qu'il chante l'œuvre du beau sang pur et le clair soleil, il se retourne: on est tombé; on est allé à l'aventure; on s'est égaré; les uns sont manchots ou aveugles, les autres culs-de-jatte ou paralytiques, traînassent, rampent, roulent dans les fossés. Il se sent si viril et si sain, que, du premier contraste, jaillit son rire. Mais son ironie n'est point de jeu; elle est d'indignation, de colère, de haine. Devant le mesquin, le tortueux, le bas, il est stupéfait et outré; il se trouve tout-à-coup en attirail de guerre. Il combat; il redresse; et superbe comme un soldat antique, il brandit contre la taies des aveuglés sa torche en flammes, montrant, sur la route droite, illuminée, la grande et simple figure de la Beauté naturelle.

Au demeurant, vous le reconnaîtrez entre mille: il est cultivé; il est sincère; il est poli."

Mise à jour le 25 février 2004

RENE BOYLESVE

ou

HUGUES REBELL