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LES ŒUVRES : Leurs oeuvres

 

ROMAIN GARY et PIERRE DRIEU LA ROCHELLE

 

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                    Romain GARY                    Pierre DRIEU la ROCHELLE

 

Romain Gary est entré en littérature en 1945 avec l'Education Européenne au moment où en sortait Pierre Drieu la Rochelle par un acte qu'il accomplira lui même trente-cinq ans plus tard. Je ne vais pas faire un rapprochement simpliste entre le collabo et le héros de la France libre, ce n'est pas cela qui m'intéresse car je ne limite pas Drieu, pas plus que Gary, à ces images étroites, mais les trajectoires de ces deux hommes sont assez intéressantes à mes yeux. L'un et l'autre, sous des influences différentes, nourrissent des idées romantiques, l'un sur la guerre, l'autre sur la France. L'un comme l'autre goûteront à la guerre mais de façon très différente et avec des résultats opposés. Gary a vu mourir de nombreux proches qui se battaient comme lui, Drieu a vécu l'hécatombe de la première guerre. Au lendemain du conflit, Gary a été confronté à une réalité qui n'était certes pas à la hauteur du combat mené, très tôt il a perçu (Racines du Ciel) certains enjeux futurs mêlés, dans le livre ici évoqué à la dérision de l'homme. Gary est cependant resté fidèle à l'espoir - mais que signifie sa mort? -, c'est qu'il ne l'avait vraiment investi, au lendemain de la guerre, nulle part - dans aucun régime -, alors que Drieu, après bien des hésitations, l'a investi dans le régime hitlérien au nom d'un rêve européen et de la détestation des démocraties. Drieu pensait avoir l'esprit politique, pas Gary. Là aussi, différence importante entre les deux hommes, les démocraties au sortir du second conflit, se portaient bien mieux qu'au sortir du premier dans lequel leur responsabilité avait été totale, l'engagement de Drieu en est le résultat. Drieu et Gary se tueront, chez l'un comme l'autre l'actuel et le personnel profond tiennent certainement une place égale, se sont probablement conjugués dans les raisons de cet acte. Tous deux "hommes à femmes", tous deux assez marginaux dans la famille politique à laquelle on peut les rattacher, tous deux ne manquant pas de recul sur leurs choix. Tous deux confrontés à un moment à une injuste mise en cause de la qualité de leur oeuvre. Je sais que certains seront choqués de ce parallèle, j'avoue que je dis certainement maladroitement les raisons pour lesquelles il me vient à l'esprit assez naturellement, mais il n'est pas déshonorant pour Romain Gary. Il ne faut pas mener trop loin ce genre d'exercice, il y a des différences solides entre les deux écrivains et les deux hommes et l'on pourrait certainement en faire une liste plus longue que celle des rapprochements ou des différences circonstancielles.

A mes yeux, Drieu est le représentant le plus fort, le plus marqué, de la déroute légitime de la génération sortie des tranchées, il est plus que cela et son oeuvre est pour ceux qui sont "ailleurs", qui ne se sentent pas dans le monde, qui portent une fêlure qui marquera leur existence, une compagne - je dis bien l'oeuvre. Gary lui, n'a pas été le symbole de sa génération. Dernier, tardif, des "grands écrivains" au sens de la première partie du XXème siècle, je parle des Gide, Mauriac, Bernanos, Montherlant, Camus, Sartre, Giono et de quelques autres (pas Proust par exemple qui, à mes yeux, appartient à une autre famille d'écrivains), il restera isolé et c'est bien dommage car cela illustre parfaitement les rendez-vous manqués de générations, polluées littérairement, engluées dans le Nouveau Roman, stériles, sous lesquelles un monde se défera ne léguant aux générations futures que des problèmes graves et de lourdes hypothèques sur l'avenir de l'homme et de la culture. Drieu a été le témoin d'une faillite annoncée (par le premier conflit mondial), celle de l'Europe dans le second conflit, Gary celui d'une renaissance manquée du monde, le merdier actuel n'a pas, dans la littérature française de représentant de leur envergure. Grâce aux médias, aux écoles littéraires du renoncement, la place a été laissée à une réalité médiocre, à un monde de camaraderie comme le prévoyait Drieu, opposant certainement "camaraderie" à amitié, comme on pourrait le faire de pacotille à art et pensée.

Peut-on poser une question simple pour l'un comme pour l'autre : que restait-il de leurs illusions le matin de leur mort ?